vendredi 11 novembre 2016

Du côté des ventes aux enchères


La vente aux enchères Tableaux Suisses et Internationaux et Vins le 26 novembre par Galartis SA à Lausanne présente, au lot 309, une petite huile sur carton de Maurice Denis, réalisée lors de son séjour en 1904 à Cuverville, chez les Gide.



Lot 309
DENIS Maurice, 1870-1943 [FR].

Reflet de soleil couchant dans la mare, c. 1900,
huile sur carton (23 x 38.5 cm).
Monogrammé b. d.
Le croquis de ce tableau a été fait lors du séjour du peintre à Cuverville, en 1904, chez son ami André Gide. Ce dessin a donc permis de préciser la date d'exécution de l'huile et a permis de situer géographiquement le tableau
Estimation : 30 000 CHF / 40 000 CHF

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Le 2 décembre à Prague, lors d'une vente d'Art Moderne chez Kunsthaus Lempertz, le petit buste en terre cuite de Renée Sentenis représentant Gide refait surface. C'est le jeune écrivain allemand Joseph Breitbach, qui s'est proposé à Gide pour l'aider dans ses pourparlers avec Deutsche Verlags Anstalt pour l'édition allemande des Nourritures terrestres, qui présente le sculpteur à Gide. Elle réalise le buste en mai 1930, lors du séjour de Gide à Berlin.

La fiche ne précise pas que ce buste a été la propriété de Joseph Breitbach jusqu'en 1965, passant alors dans la collection de Maurice Saillet jusqu'à la vente de la bibliothèque de ce dernier chez Drouot-Richelieu de 1989. Renée Sintenis est quant à elle célèbre pour sa sculpture qui récompense le meilleur film au festival de Berlin : l'Ours d'or.

Lot 374
Renée Sintenis
Porträt André Gide
Terracottaplastik. Höhe 33,5 cm. Auf Holzsockel (5,5 x 5 cm) montiert. Unbezeichnet. - Der Holzsockel mit wenigen leichten Wasserflecken.

Berger/Ladwig 94; Buhlmann 27

Provenienz
Privatsammlung Dr. Frank Rümelin; seitdem Familienbesitz, Norddeutschland

Ausstellungen
Berlin 1932 (Akademie der Künste), Herbstausstellung der Akademie der Künste, ohne Kat. Nr,; Hannover 1933 (Kunstverein Hannover), 101. Große Frühjahrsausstellung, Kat. Nr. 238; Berlin/Osnabrück/Regensburg/Fiedberg/Düren 1983/84 (Georg-Kolbe-Museum/Kulturgeschichtliches Museum/Ostdeutsche Galerie/Galerie im Alten Rathaus/Leopold-Hoesch-Museum), Renée Sintenis. Plastiken. Zeichnungen, Druckgraphik, Kat. Nr. 31, mit Abb. 14; Paris 1964 (Musée d' Art Moderne de la Ville de Paris), 9. Exposition-Internationale, o.Kat.Nr
Estimation : 2 500 €
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Signalons enfin plusieurs éditions originales, dont certaines avec envoi autographe ou carte de visite jointe, qui passeront à la vente Alde d'Éditions Originales des XIXe et XXIe siècles le 2 décembre à Paris :

Lot 137
GIDE (André). - La Tentative amoureuse. Paris, Librairie de l'Art indépendant, 1893. In-12, bradel vélin ivoire, filet doré, dos lisse orné du nom de l'auteur et du titre dorés encadrés d'un filet doré, tranches dorées sur témoins, couverture et dos, étui (P.-L. Martin).
Édition originale. Un des 150 exemplaires sur vélin teinté. Bel exemplaire relié en vélin par Pierre-Lucien Martin.
Estimation : 300 € / 400 € 

Lot 138
GIDE (André). - Les Nourritures terrestres. Paris, Société du Mercure de France, 1897. In-12, demi-chagrin marron avec coins, tête dorée, couvertures et dos (Durvand).
Édition originale. Envoi autographe signé au directeur de la revue L'Art et la vie, Maurice Pujo. De la bibliothèque Arnold Naville, avec ex-libris.
Estimation : 800 € / 1 000 € 

Lot 139
GIDE (André). - L'Immoraliste. Paris, Société du Mercure de France, 1902. In-16, broché, couverture bleue.
Édition originale de l’une des œuvres les plus significatives de Gide, qui « consacra son originalité et sa maîtrise aux yeux du public lettré » (En français dans le texte, n°330).
Tirage unique à 300 exemplaires sur vergé d’Arches. Édition typographiquement imitée de la deuxième édition du Faust de Goethe traduit par Nerval, dite « édition bleue », parue en 1835. Envoi autographe signé, dont le nom du destinataire a été découpé. Couverture insolée avec petites déchirures sans manque. Talvart & Place, VII, 42, n°16-A.
Estimation : 600 € / 800 € 


Lot 141
GIDE (André). - La Symphonie pastorale. Paris, Nouvelle Revue Française, 1919. In-16, broché, couverture bleue.
Édition originale. Exemplaire du second tirage avec le titre et le dos de la couverture à la date de 1920 et l'achevé d'imprimer du 15 décembre 1919. Un des 143 exemplaires in-8 tellière sur vergé d'Arches, celui-ci un des 100 réservés aux bibliophiles de la NRF, nominatif pour M. Ch. Chatelin. Talvart & Place, VII, 46, n°32-A.
Estimation : 1 000 € / 1 200 € 

Lot 142
GIDE (André). - Morceaux choisis. Paris, Nouvelle Revue Française, 1921. In-16, broché, chemise demi-maroquin noir et étui.
Première édition, en partie originale, de cette anthologie qui comprend une dizaine de textes inédits, illustrée d'un portrait-frontispice. Exemplaire annoté par Paul Souday et enrichi de 3 feuillets autographes du critique. En marges des pages : critiques et éloges, questions ironiques et interjections (« t. b. », « c'est vrai », « Il n'y a pas de perfection partielle », « idiote équivoque », « sale chrétien », « galimatias », « oui », « non », « merde », ), points d'interrogations et d'exclamations, un nom propre masqué restitué, passages marqués d'un trait, commentaires concernant les avis de Gide sur Balzac, Barrès, Baudelaire, etc. Par exemple, Gide assume son individualisme face aux critiques de Barrès (p. 56), et Paul Souday inscrit en marge : « Ne vous inquiétez pas de cela. Soyez objectifs ! Cherchez le vrai et le beau ». Le manuscrit autographe de Paul Souday, index de ses remarques principales formulées dans l'ouvrage de Gide (au verso de deux ff. in-12 portant des brouillons autographes signés de lettres, placés dans un enveloppe de papier cristal montée en tête).
Une carte de visite d'André Gide (« en voyage ») est également jointe. Des bibliothèques Paul Souday (1930, n° 300) et Lucien-Graux (1959, IX, n°105), avec ex-libris.
Estimation : 500 € / 600 €


Lot 143
GIDE (André). - Ensemble cinq ouvrages.
Nouveaux prétextes. Réflexions sur quelques points de littérature et de morale. Paris, Mercure de France, 1911. In-12, broché. Édition en partie originale. Exemplaire du service de presse. La Marche turque, extrait de La Nouvelle revue française, n° 68, 1er août 1914. In-8, bradel demi-toile grège. Édition préoriginale d'un passage de son Journal rédigé lors de son voyage en Turquie en avril-mai 1914. Attendu que... Alger, Charlot, 1943. In-8, broché. Première édition sous ce titre de ce choix d'« Interviews imaginaires ».
– Émile Verhaeren. Liège, Lampe d'Aladdin, 1927. Petit in-12, bradel demi-maroquin noir avec coins, tête dorée, couverture. Édition originale. Un des 40 exemplaires sur vélin teinté, nominatif. Hommage à André Gide. 1869-1951. Numéro spécial de La Nouvelle revue française, novembre 1951. In-8, broché. Édition originale parue l'année de la mort de Gide, exemplaire numéroté sur vélin Lafuma-Navarre. 4 planches hors texte.
Estimation : 200 € / 300 €

Carrive, aux alentours de Gide


Le 17 novembre 2016, Tajan proposera aux enchères la bibliothèque de Jean Carrive, curieusement réduit à l'état « d'écrivain surréaliste », puisqu'il n'est question ici que de sa bibliothèque surréaliste et de ses échanges avec les membres du mouvement.

Né en 1905 dans une famille protestante modeste du Bordelais, le jeune Jean Carrive écrit à Breton alors qu'il n'a que 15 ans.
Une relation se noue rapidement, relation forte comme on peut le voir dans l'une des lettres de Breton mises en vente, et dans laquelle il est rapidement fait mention d'André Gide :

« Depuis trois ans que je dirige Littérature, avec tout le désespoir que cela suppose, je n’ai jamais reçu de lettres qui aient autant de raisons de m’émouvoir que les vôtres. Dans ce conflit, après tout terrible, qui est celui du subjectif et de l'objectif, je n'ai rien enregistré pour mon compte que de déplorable. Les rencontres sont rares. Moi qui ai écrit spontanément à Valéry (1913), à Apollinaire (1915), à Tzara (1917), à Picabia (1918), et même à Baron (1922), il est extraordinaire qu’on soit venu me trouver (Eluard, Gide ! Proust ! Péret). C’est à se demander bien souvent si ce qu’on croit faire (dans le sens de l’absolu, pourquoi pas ?), n’est pas tout à fait vain et comment il se fait, tout de même, que presque personne au monde n'ose ce geste que vous avez fait et qui, c'est sans doute très sot, me rend tout-à-coup une foi immense. Je vous disais que j'avais presque toujours fait les premiers pas. Je n’ai jamais rencontré, ce qui s’appelle rencontrer, que Vaché (ah ! oui) et Aragon. Mais vous, vous venez en somme de très loin, et vous touchez d’emblée à un de mes deux ou trois points sensibles : Ducasse, Sade aussi, ce qui est beaucoup plus curieux. De cela, je vous rends infiniment grâce, et rien que pour ces paroles, vous me trouverez toujours quand vous aurez besoin de moi. »

On est en 1923, Carrive a 18 ans, Breton à peine dix de plus. Il cheminera encore quelques années avec les surréalistes, comme en témoignent les archives André Breton, puis s'éloignera à partir de 1928, sans rompre complètement avec Breton. C'est probablement grâce aux recommandations de ce dernier, qu'aux côtés d'Adamov et Monny de Bouly, il commence à s'intéresser à Kafka, avant de poursuivre ses recherches à Breslau, l'actuelle ville polonaise de Wroclaw alors allemande, où il rencontre sa future épouse, Charlotte Behrendt.

La jeune femme est issue de la bourgeoisie cultivée, le fameux « Bildungsbürgertum », d'une famille d'origine juive, convertie au protestantisme et à la « Kulturreligion » : l'un de ses ancêtres est Moïse Hess, le premier communiste et sioniste allemand, qui publiait la Gazette Rhénane avec Karl Marx à Paris ; son père, Fritz Behrendt, était l'architecte de la ville de Breslau ; sa mère et sa tante furent les premières femmes allemandes de formation universitaire... Un milieu qui n'est pas sans rappeler ceux fréquentés par Gide en Angleterre et au Luxembourg.

Après l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933, Jean Carrive convainc Charlotte de s'installer en France, en Gironde. Ils se marient en 1934 et commencent leurs travaux de traductions, lui Kafka, elle Rilke. Carrive traduira les pièces courtes de Kafka, tandis que Vialatte s'occupe des romans, ou de la pièce Le Procès dont Gide et Jean-Louis Barrault tireront une pièce.

Parmi les nouvelles amitiés littéraires de cette époque, citons encore ceux que Carrive nomme « les Pierre géniaux »: Pierre Bertaux, Pierre Leyris et Pierre Klossowski, qui avaient été tous trois élèves dans la même classe au lycée Janson-de-Sailly. Gide était alors le « répondant » du jeune Pierre Klossowski, avant d'en faire, brièvement, son secrétaire. Klossowski dont la mère est née, comme Charlotte Carrive, à Breslau...

C'est d'ailleurs Klossowski qui prononcera l'oraison funèbre à la mort de son ami Carrive, en 1963 :
« Toute votre vie si intense, si rapide et si allègrement dépensée dans la solidarité des souffrances, mais aussi dans une franche aspiration à la beauté de la vie (…), votre certitude de retrouver et de maintenir la splendeur des mondes disparus comme autant de raisons d'être pour l'homme aujourd'hui, voilà bien ce qui fait de vous une digne et singulière figure de la race humaniste du libre examen, cette secrète nation qui, par-delà la révocation de l'édit de Nantes, a marqué et approfondi la conscience française en l'enrichissant de cette rare propension à une incessante interrogation de soi-même, la douant aussi d'une curiosité jamais satisfaite à l'égard de tout ce qui doit décider de nos destins. »
Il ne semble pas y avoir de traces d'échanges entre Gide et Carrive, malgré ces passerelles et points communs.