lundi 12 août 2013

Un don au sanatorium


L'un de nos vigilants amis du groupe gidien de Facebook nous signale la mise en vente par la Galerie Fert de Nyons d'une lettre dactylographiée signée avec trois lignes autographes (signée aussi par Luce Kaeser, secrétaire de Gide) datée de Neuchâtel le 23 décembre 1947 (1 page in8) faisant état de l'envoi d'un don de 50 000 francs à l'Association des étudiants en sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet en Isère.

Si cette secrétaire demeure mystérieuse (à rapprocher de Henri Kaeser, l'éditeur de Lausanne ? une secrétaire de Richard Heyd chez qui logeait Gide ?) et avait à cette époque une redoutable, jalouse concurrence de la part d'Yvonne Davet, on en sait un peu plus sur le contexte de ce don. Gide, dont la santé et le moral ne sont pas très bons, passe un hiver maussade à Neufchâtel, chez son éditeur Richard Heyd.

C'est là en  novembre 1947 qu'il apprend qu'il vient de recevoir le prix Nobel. Les sollicitations financières ne tardent pas. En janvier 1948 la Petite Dame note l'une d'elles, et la réaction de Gide qu'elle juge typique dans ces cas-là :
« Pierre me raconte une petite histoire que je veux noter parce qu'elle le dépeint tellement : Edi Copeau qui est religieuse à Madagascar, qui allait souvent à Cuverville étant enfant, et qui était la préférée de Madeleine, lui écrit pour le féliciter du prix Nobel et lui demande bien simplement son obole pour la construction d'un monastère entreprise par la petite communauté religieuse dont elle fait partie, et pour laquelle il faut rassembler plus de 800 000 francs. Il va sans dire que cette entreprise ne l'intéresse pas du tout; après avoir tourné longtemps et retourné celte idée, il finit par envoyer à Edi, par l'intermédiaire de sa mère, un chèque de 100 000 francs. Et sitôt fait, il se dit : « Voilà, j'ai encore une fois gaffé et une fois de plus je vais passer pour pingre, là où on me dit qu'il faut 800 000 francs j'en envoie 100 000. » Puis il est profondément étonné de recevoir d'Agnès et d'Edi des remerciements attendris, confuses de l'énormité du don. Et ceci est typique et de sa générosité, et de son manque de mesure dans un sens ou dans un autre, de son absence de réalisme dans les questions d'argent. »*

Pour l'Association des étudiants en sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet, Gide se souvient-il de sa jeunesse souffrante ? Ou bien que c'est dans la revue des étudiants de cet établissement, revue intitulée Existences, qu'en 1942 un article** avait paru sur son Journal, signé par un jeune enseignant victime d'une rechute de tuberculose ? Un certain Roland Barthes... Dans le numéro 42 de février 1948 de cette même revue, les étudiants remercient André Gide (mais aussi Ida Rubinstein) pour leur don.



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* Maria Van Rysselberghe, Cahiers de la Petite Dame, t.IIII, NRF, Gallimard, 1977, pp. 81-82
** dans Existences, n°27, juillet 1942 (Revue interne du Sanatorium, "Fondation Santé des Etudiants" de Saint Hilaire du Touvet) voir ici l'article reproduit sur Gidiana et ici le fac-similé de la revue.





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