lundi 29 octobre 2012

Journée d'études en Roumanie


La Faculté de Lettres de l'Université de Pittesti organise une journée d'études consacrées à l'Immoraliste le 2 novembre 2012 avec le Centre d'Etude sur l'Imaginaire Imagines et le soutien de la Fondation Catherine Gide.

Programme :


8h45 : Accueil des participants
9h00 : Ouverture de la journée d’étude – Salut des organisateurs
Stefan GAITANARU, doyen de la Faculté des Lettres
Alexandrina MUSTATEA, directrice du centre IMAGINES
Corina GEORGESCU, directrice du Département langue et littérature
Diana LEFTER, présidente du comité d’organisation

9h30 : Première séance
Modérateurs :
Mihaela MITU, Université de Pitesti, Faculté des Lettres
Diana LEFTER, Université de Pitesti, Faculté des Lettres

Katherine DOIG, Université Paris-8 Vincennes-St-Denis/ CERC Sorbonne Nouvelle-Paris 3 :
La forme épistolaire de L'immoraliste
Bianca BARTOS, Université Babes Bolyai Cluj-Napoca, Roumanie : L'immoraliste ou l'acte créateur gidien
Ramona RADOI, Université de Pitesti, Roumanie : L'immoralisme ou l'individualisme ?
Renata LOPES ARAUJO, Université de Sao Paulo, Brésil : La manipulation de la littérature dans L'Immoraliste
Florina MANDACHE, Université de Pitesti, Roumanie : L’état précaire - source de bonheur ?
Elena MATEESCU, Université de Bucarest, Roumanie : Voyage vers les profondeurs de l'âme- la soif de liberté

12h00 : Pause café

12h30 : Deuxième séance
Modérateurs : Crina ZARNESCU, Université de Pitesti, Faculté des Lettres Adriana APOSTOL, Université de Pitesti, Faculté des Lettres

Cristina ILIESCU MOLEA, Université de Pitesti, Roumanie : Les voies de la liberté absolue
Ruth MALKA, Université McGill, Canada : La mise en scène de soi dans L'immoraliste d'André Gide
Madalina STANESCU, Université « Jules Vernes » Picardie, Amiens, France : La quête de l’identité chez Gide dans L’Immoraliste et Si le grain ne meurt
Catalina CIUREA, Université de Pitesti, Roumanie : Le surhomme dans L’Immoraliste
Stéphanie BERTRAND, Université de Lorraine, France, Université de Luxembourg : Moralisme de L’Immoraliste ? Réflexion sur la présence de l’aphorisme dans l'œuvre

PITESTI, LE 2 NOVEMBRE 2012
FACULTÉ DES LETTRES, PITESTI
41 Rue Gh. Doja, Bâtiment B, Salle 003

BAAG n°176


Le Bulletin des Amis d'André Gide, quarante-cinquième année, vol. XL, n° 176 d'octobre 2012 vient de parvenir aux membres de l'Association des Amis d'André Gide. Au menu :

André Bourdil : « André Gide et son peintre », un article paru dans la revue Arts Beaux-Arts n°311 du 18 mai 1951 et n°313 du 1er juin 1951. Marié à Marie-Louise Taos Amrouche, le peintre André Bourdil réalisa un portrait de Gide en 1943 à Tunis, et un croquis sur son lit de mort. Ce sont là les souvenirs de leurs rencontres, des séances de pose et des parties d'échecs.
Maja Zorica Vukusic : Gide et Chopin. Le parfait écrivain devrait être musicien
Jef Last : Mon ami André Gide, suite de la traduction inédite du livre témoignage de Jef Last
Dossier de Presse : Isabelle (Paul Souday)
Lectures : Correspondance Gide - Paul Fort, éditée par A. Yoshii [par Pierre Lachasse] - Frank Lestringant, André Gide l'inquiéteur, t.1 [par Henri Heinemann]
Chronique bibliographique - Varia


Cet envoi s'accompagne du cahier annuel de l'association :


Pour l'histoire du Thésée d'André Gide, 
de Céline Dhérin et Claude Martin,
Publications de l'AAAG, 2012,
314 p., 25€

Avant-propos :

"À l'origine de ce petit livre, une surprise, un ébahissement : celui que suscita en nous (et chez d'autres) la révélation par Étiemble, d'abord radiodiffusée puis réitérée dans la presse et en librairie — plus de quarante-cinq ans après... les faits — qu'il avait « entièrement récrit » le Thésée, lequel n'était donc pas de Gide, mais « de [lui] » (« la dernière édition », précisait-il, car « la première était de Gide »).
« Supercherie littéraire » appelée à « faire un bouleversement considérable », à faire grand bruit dans le landerneau littéraire, comme se hâtait de le proclamer l'interviewer du toujours bouillant et brillant hygiéniste des lettres ? Bah ! on en a vu d'autres. Mais l'histoire était assez piquante, s'agissant de l'ultime et « testamentaire » ouvrage de Gide, pour nous inspirer la curiosité d'y aller voir de près... Avec, pour premier résultat, une communication présentée au colloque organisé en août 1996 au Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle sur « l'écriture d'André Gide ».
Jointe à la relecture du célèbre article de 1947 où le même Étiemble avait analysé le style de Thésée, l'aventure nous a entraînés à nous interroger sur la genèse de ce texte, depuis son manuscrit primitif jusqu'à son édition définitive — et, par-delà, sur la manière dont l'œuvre fut en son temps reçue par la critique : c'est-à-dire à relire aussi son « dossier de presse », que l'un d'entre nous avait jadis commencé à rassembler dans le Bulletin des Amis d'André Gide et que nous avons tenté de compléter.
Publier le résultat de notre enquête, le texte des quatre étals successifs du Thésée présentés synoptiquement et l'ensemble des articles parus à la sortie du livre nous a paru utile avant que ne paraisse, dans la «Bibliothèque de la Pléiade» sous la direction de Pierre Masson, une édition des Œuvres romanesques et dramatiques d'André Gide (où l'un d'entre nous s'est chargé de présenter Thésée).

C. Dh & Cl. M."

Les détails pour adhérer à l'AAAG et recevoir le BAAG et le cahier annuel qu'elle publie sont disponibles sur cette page.

A noter qu'à partir de 2013 le BAAG devient semestriel, sous forme de deux numéros doubles, distribués au printemps et à l'automne. Chaque année un numéro sera consacré à un thème ou à un événement particuliers. C'est ainsi que paraîtront en 2013 les actes du colloque de Denison, et qu’en 2014 un numéro spécial sera consacré au centenaire des Caves du Vatican.

L’assemblée générale 2012 de l’Association des Amis d’André Gide fera le point sur ces publications et tous les projets en cours le

samedi 17 novembre à 14h30 
à l'École Alsacienne (100, rue Notre-Dame-des-Champs)

A l'ordre du jour : rapports moral et financier, questions diverses, exposé de Frank Lestringant sur le tome 2 de sa biographie et lectures de textes de Gide par une comédienne.

jeudi 18 octobre 2012

Actualité(s) d'André Gide




Honoré Champion publie les Actes du colloque Actualités d'André Gide qui s'est tenu du 10 au 12 mars 2011 à Toulon et Hyères sous la direction de Martine Sagaert et Peter Schnyder. Présentation de l'éditeur :

Prix Nobel en 1947, André Gide (1869-1951) est un écrivain bien présent dans le paysage littéraire français et étranger. Il est lu et relu par un public nombreux et varié. Pour lors, il était tentant de demander à plusieurs spécialistes des études gidiennes de chercher à percer les secrets de son actualité durable.
Les vingt-quatre études réunies dans ce volume s’organisent autour de trois grands axes : l’interprétation, l’édition, la valorisation. Elles permettent à la fois de saluer Gide comme un écrivain qui, par-delà ses idiosyncrasies, ne s’éloigne pas de nous et de relire une oeuvre toujours ouverte à de nouveaux questionnements. Une oeuvre vivante qui, lors des cinquièmes Journées scientifiques de l’Université du Sud Toulon-Var les 10-12 mars 2011, suscita des échanges fructueux entre chercheurs confirmés, jeunes chercheurs et étudiants. Ce colloque international est à l’origine du présent ouvrage, qui en garde les traces et le mouvement.

On retrouve dans ce volume :

Avant-propos par Martine SAGAERT et Peter SCHNYDER
I. Approches contemporaines :
Gide-Mauriac : au nom du père et du fils par Jean TOUZOT
De l’antipoésie en poésie : Rilke, Baudelaire, Gide par Jean BOLLACK
André Gide, lecteur des Classiques, une critique d'actualité ? par Lise FORMENT
L’art de la maxime dans le Journal de Gide. Quelques réflexions par Stéphanie BERTRAND
L’empreinte rythmique et le toucher musical par Aliocha WALD-LASOWSKI
Le Roi Candaule et Oedipe : l’importance des sources par Patrick POLLARD
La pensée économique et la notion de valeur dans L’Immoraliste par David H. WALKER
Réflexions sur les genres : du littéraire au culturel dans Le Ramier par Justine LEGRAND
II. Gide en France et à l’étranger :
Une enquête sur l’influence de Gide en 1975 par Alain GOULET
André Gide chez les Noailles à Hyères par Stéphane BOUDIN-LESTIENNE
André Gide en Russie par Elena SAVELIEVA
À Naples : l’Italie ou la traversée du miroir par Carmen SAGGIOMO
Gide ou le dialogue des cultures : relire La Marche turque au XXIe siècle par André-Alain MORELLO
Table ronde : Gide en 2011
De jeunes enseignants et des étudiants prennent la parole par Adrien VEZZOSO, David MAURO, Angélique BOHRER, Maxime AILLAUD, Florian BOURLET et Marie-Clotilde ROUSSEAU
La place de Gide dans l’université britannique en 2011 par Victoria REID
D’Est en Ouest : Itinéraire de la critique gidienne aux États-Unis, de 1951 à nos jours par Frédéric CANOVAS
III. Editer Gide aujourd’hui :
Éditer le théâtre d’André Gide : les exemples de Saül et d’oedipe par Clara DEBARD
De l’édition posthume du Journal en sept points par Martine SAGAERT
Du risque de « crier comme à des sourds », et de quelques autres : annoter le texte gidien pour la Pléiade par Jean-Michel WITTMANN
Les Pléiade se suivent et ne se ressemblent pas par Pierre MASSON
L’édition génétique des Caves du Vatican en version électronique par Alain GOULET
La correspondance Gide-Giono par Roland BOURNEUF
Ernst Robert Curtius – André Gide, lettres inédites par Peter SCHNYDER
IV. Variations humoristiques :
Gide au miroir des pastiches par Daniel BILOUS
Notices
Index


mardi 16 octobre 2012

Vente Christie's le 30 octobre

Christie's orchestre la vente d'une belle « Collection d'un amateur bibliophile » le 30 octobre 2012 à 14h30. Parmi de nombreuses belles éditions, manuscrits et lettres :



Au lot 105 :
Dindiki. [Liège:] Lampe d’Aladdin [1927].
In-12 (149 x 91 mm). 3 illustrations dans le texte de Desroches. Maroquin bleu signé Huser, encadrement de filets dorés et listel de maroquin fauve sur les plats, décor répété au dos lisse, doublure et gardes de moire rose, tranches dorées, couverture et dos conservés.
Provenance : René Gaffé (ex-libris) — Charles Hayoit (ex-libris, vente IV à Paris le 3 novembre 2001, lot 759).
ÉDITION ORIGINALE ILLUSTRÉE d’un tirage limité à 600 exemplaires. UN DES 10 SUR JAPON AVEC UNE SUITE EN NOIR (après un sur Japon ancien). Celui-ci le n° 9, ENRICHI DE PLUSIEURS PIÈCES:
— Le tapuscrit corrigé et signé par Gide (10 pp.) ;
— Des épreuves corrigées et signées par Gide (30 pp.) ;
— 3 aquarelles originales de Desroches.
Initialement publié dans la revue Commerce à l’automne 1926, ce texte est inspiré d’un petit animal appelé « périodictique potto » que Gide reçu en cadeau lors de son voyage au Congo. BEL EXEMPLAIRE D’IMPORTANTES PROVENANCES. Talvart 43.
Estimation : 2000-3000€



Au lot 135 :
LOUŸS, Pierre (1870-1925). Lettre autographe signée à André Gide sans date (22 mai 1896), 4 pages in-8 (173 x 128 mm), avec enveloppe.
ÉTONNANTE LETTRE-CANULAR APRÈS LA DÉMISSION DE GIDE POUR L’IMMORALITÉ DE LA REVUE LE CENTAURE
« Cher maître, votre démission pure et simple et sans motifs à l’appui eût suffi à nous étonner, - mais les raisons que vous prétextez ne peuvent qu’exagérer jusqu’à la stupéfaction une surprise […] Vous n’ignorez pas, en effet, que vous nous avez remis avec prière d’insérer, un poëme où vous chantiez, la saveur spéciale des organes génito-urinaires de l’un et de l’autre sexe [...]. »
Sont jointes 3 lettres adressées à son cousin Jacques Maldan évoquant la religion, la littérature et d’autres sujets, une longue lettre de 3 pages in-4 à Franc-Nohain (pseudonyme de Maurice Legrand) signée Tompty-Lapinoz ; et 4 lettres à Maurice Quillot dont une avec plusieurs essais d’écriture différentes. BEL ENSEMBLE.
Estimation : 1000-1500€


Vente aux enchères mardi 30 octobre 2012 à 14h30
9, avenue Matignon, 75008 Paris
Exposition publique jeudi 25, vendredi 26 
et samedi 27 octobre de 10h à 18h.
Plus d'informations sur le site Christie's.

jeudi 11 octobre 2012

Gide et le Nobel, par Edgar Morin


Dans le précédent article de presse paru à l'occasion de la remise du Prix Nobel à Gide, l'auteur anonyme soulignait les vives critiques émanant des rangs communistes qui voyaient dans cette « canonisation » littéraire la confirmation de l'appartenance de Gide au camp bourgeois et réactionnaire. Il ne pouvait comprendre ce qui se passait en U.R.S.S., son témoignage était donc nul et non avenu.
Dans l'hebdomadaire Action n°164 du 19 au 25 novembre 1947, Edgar Morin signe un papier intitulé « Familles, je vous haïssais » André Gide et le Prix Nobel, qui reprend cette thèse et la fait manœuvrer en une double détente : l'anticommunisme de Gide ne lui a pas ôté son talent stylistique (avis jugé trop clément et qui donnera lieu à un second papier encore plus violent dans un numéro suivant de l'Action) mais il l'a bel et bien coupé de la jeunesse. Il n'a plus rien à lui dire.
Si dans Autocritique (Seuil, 1959), Edgar Morin dit avoir eu des doutes vis-à-vis du communisme dès la Libération, on voit que fin 1947 il en est encore un porte-parole très doctrinaire. Ce n'est qu'avec le procès Rajk en mai 49 qu'il commencera à émettre de sérieux doutes, jusqu'à son exclusion du PCF en 1951, l'année de la mort d'André Gide.

N.B. Cet article est issu des archives personnelles de Gide, numérisées et mises en ligne par le site Gidiana. Très endommagé et d'une qualité d'image très médiocre (voir ici ce pdf), il n'est pas très lisible et n'est donc pas pris en compte par les moteurs de recherche, ce qui est dommage. J'en donne ici une version la plus complète possible mais quelques mots demeurent illisibles : avis aux possesseurs d'une version plus lisible et qui pourraient compléter celle-ci !)


"Familles, je vous haïssais"
ANDRE GIDE et le 
PRIX NOBEL 

Il y a des génies qui devancent l'histoire. Ils restent des décades ignorés, méconnus. Et puis l'histoire les rattrape. Et puis l'histoire les dépasse. Et pourtant l'heure où ils sont dépassés, l'heure où ils perdent leurs vertus est l'heure même de la gloire officielle, de la grande canonisation littéraire.
André Gide a reçu le Prix Nobel. Couronnement pleinement justifié s'il s'était agi d'honorer ce style admirable, se purifiant sans cesse, de l'auteur des « Nourritures terrestres », de la « Porte étroite », de la « Symphonie pastorale », des « Caves du Vatican », des « Faux Monnayeurs », ou l'immense influence libératrice sur la jeunesse que fut celle de Gide de 1923 à 1936.
Mais que reste-t-il de ce Gide-là ? Qu'est aujourd'hui le Gide couronné et le Gide officiel ?
Ma foi l'anticommunisme de Gide, depuis le retour de l'U.R.S.S. ne lui a pas subitement ôté son talent. Gide écrit toujours aussi admirablement. Mais depuis dix ans, l'anticommunisme a souillé le caractère universel du « message » gidien. Depuis 1936, il y a un Gide figé, amer, frivole. Un Gide qui, en 1947, n'a plus derrière lui ce qu'il a eu pendant vingt ans : la jeunesse. Un Gide qui ne sait plus enseigner la ferveur, mais la peur, mais un refus, un rejet.
Il est toujours triste de ne pouvoir admirer pleinement, comme on le désire. Il est toujours triste de dénoncer l'imposture de celui qui a su dénoncer tant d'impostures. Il est triste de voir s'être desséché ce qui fut l'une des belles consciences du siècle. Mais quoi ! La canonisation a commencé. Les voilà qui s'agitent avec leurs couronnes, ceux qui ont mis vingt ans à découvrir les « Nourritures », ceux qui ont hurlé après Corydon, ceux qui ont crié au scandale après le « Voyage au Congo ». La bourgeoisie commence à embaumer et maquiller – comme s'il était déjà mort – celui qui laisse dire et ne proteste plus – celui qui avait écrit pourtant en 1935 :
« Chaque homme porte en soi de quoi lutter contre soi-même et le combat restera toujours actuel, entre la pesanteur de la matière inerte et l'élan de l'esprit, entre l'invitation à la paresse et l'exigence de la ferveur. »*
Il n'y a plus de combat depuis douze ans. Gide ne cherche plus. Il est d'accord avec ce qui est. Adapté. Et en échange : adopté.

Comment donc situer Gide ? Le moment des Prix Nobel est le moment de l'éclipse de son influence réelle. Cette éclipse durera-t-elle ? L'œuvre de Gide se débrouillera avec la postérité. Cela ne nous regarde pas. Ce qui nous regarde, c'est d'expliquer pourquoi Gide n'est plus le maître des ferveurs et des révoltes de la jeunesse.
Mais tout d'abord, il faut rappeler pourquoi et comment il eut une grande influence libératrice. Il faut se souvenir de la querelles des « peupliers », du refus de la mythologie barrésienne : « La Terre et les morts ». Il faut se souvenir du « Familles, je vous hais » à l'époque où la pesante hypocrisie des familles bourgeoises étouffait les jeunes gens. Il faut se souvenir de la révolte contre l'oppression colonialiste : « Voyage au Congo », « Retour du Tchad », épanouissement de cette révolte, l'adhésion au communisme... « Les Nouvelles nourritures » où il était dit : « C'est dans l'abnégation que chaque affirmation s'achève. Tout ce que tu résignes en toi prendra vie. Tout ce qui cherche à s'affirmer se nie ; tout ce qui se renonce s'affirme. La possession parfaite ne se prouve que par le don. Tout ce que tu ne sais pas donner te possède...** Ce que tu prétends protéger en toi s'atrophie. » On ne dit pas cela dans les académies, même en Suède. C'est à nous de le dire.
Et aujourd'hui, 25 ans après, jour du Prix Nobel, Gide déclare à l'Associated Press, en faisant allusion au communisme, et pour s'opposer : « Je suis farouchement individualiste. » Mais a-t-il oublié que cet individualisme est celui-là même qui « cherchant à s'affirmer se nie » et que disant cela, il n'est plus un grand individu ? Et le voilà desséché, recroquevillé et bien attablé devant de petits problèmes : faisant des gloses sur tel vers d'Iphigénie, ou agitant des considérations distinguées sur tel point de grammaire, ou bien frémissant de peur devant le monde, lui qui auparavant frissonnait d'inquiétude. Oui, « Ce que tu prétends protéger en toi s'atrophie. » C'est ce Gide que porte universellement au Panthéon la cohorte des atrophiés.

A l'époque où elle exerça son heureuse influence, l'œuvre de Gide n'était pas, comme aiment le dire les conformistes, une œuvre de décadence. Au contraire, c'était un « appel direct » pour le « retour aux joies naturelles ». C'était une réaction contre l'univers artificiel du symbolisme qui s'était lui-même nommé décadence.
Bien sûr, il est faux, et [mot illisible], de vouloir chercher en Gide une pensée organisatrice et créatrice. Gide fut un révolutionnaire de la sensibilité. Mais il ne fut nullement révolutionnaire de l'intelligence. Les vues générales de Gide, dans son « Journal », appuyées de métaphores botaniques, sont d'une grande pauvreté. Gide devait obscurément sentir cette faiblesse. Il fut heureux de s'opposer à l'intellectualisme, et de dire un jour, à propos de Dostoïevski : « Ce qui s'oppose à l'amour, ce n'est point tant la haine que la rumination du cerveau. » D'où la promotion des valeurs de pure sensibilité : « ferveur, inquiétude ». D'où une philosophie « gidienne » qui si on voulait la réduire à quelques concepts serait une banalité ridicule.
D'où aussi les multiples métamorphoses de Gide, ses perpétuelles adhésions à des doctrines et des fois contradictoires ; d'où son impuissance à comprendre rationnellement ce qu'était l'U.R.S.S., d'où peut-être l'abdication finale actuelle dans les jeux frivoles de la linguistique, dans les discours vides où seule sa magnifique voix grave éveille encore quelque résonance, tandis que les pharisiens désormais applaudissent; d'où aussi le fait que l'œuvre de Gide est une œuvre essentiellement poétique « parlant de l'âme à l'âme » mais en rien une œuvre qui enseigne à penser.
D'autre part de le message Gidien a épuisé son [mot illisible] parce que depuis cette guerre les problèmes de la jeunesse, les problèmes de l'homme qui cherche une vérité ont fondamentalement changé. Le message Gidien était une « recherche de la vraie vie », problème essentiel des intellectuels de l'entre-deux guerres, qui se sentant isolés du peuple, isolés des conditions dramatiques de la vie humaine, étaient avides, eux qui tournaient dans leur univers [un mot illisible] et paisible, d'intensité, d'aventure.
Gide proposa le premier l'aventure des instincts, des passions, le mépris des conventions et des traditions. Il a dit le premier : « vivez sans remords de vivre ».
Ce fut un point de départ nécessaire.... Beaucoup se perdirent, mais beaucoup trouvèrent une issue.
Aujourd'hui, après cette guerre mondiale, le problème des hommes de littérature n'est plus de vivre. La vie nous a emporté dans ses remous énormes ; guerre, [un mot illisible], la plus prodigieuse des aventures. Nous [deux mots illisibles] par notre expérience [un mot illisible]. Le problème de la littérature est désormais : la conscience. Prendre conscience du vécu, du réel. Là Gide n'est plus d'aucun secours. Grand écrivain mais nullement penseur, nullement maître de conscience. Au contraire : esprit faux – et qui le reconnaît d'ailleurs.
Aujourd'hui l'œuvre de Gide n'a plus d'efficacité, de prolongements sinon purement esthétiques.
Gide n'a pu, depuis quinze ans, se transformer une fois de plus, ouvrir un chemin nouveau. Au contraire, il a fait marche arrière. Il rentre dans le sein des familles bourgeoises. « Après Kœstler, tu liras les Retouches au retour d'U.R.S.S. mon petit chéri. » — « Oui, maman. » Dommage pour l'humanité. Dommage pour Gide. Sa vieillesse n'est pas l'épanouissement goethéen. C'est quelque chose qui se dessèche. Emportez ces cendres, [un mot illisible].

EDGAR MORIN.
_______________________
* Discours prononcé par Gide sur la Place Rouge le 20 juin 1936 et non 1935, pour les funérailles de Gorki
** Morin coupe ici deux phrases des Nourritures terrestres : « Sans sacrifice il n'est pas de résurrection. Rien ne s'épanouit que par offrande. »

mercredi 10 octobre 2012

Journée d'agrégation sur les Faux-monnayeurs

Samedi 8 décembre le Centre d’études et de recherches interdisciplinaires de l’UFR LAC (Lettres, arts, cinéma), équipe Littérature au présent, de l'Université Paris-Diderot organise une journée d'agrégation consacrée aux Faux-monnayeurs de Gide.


9h30 : Jean-Michel Wittmann (Université de Lorraine) : «La lutte pour la vie dans l’espace romanesque»

10h : Frédérique Toudoire-Surlapierre (Université de Haute-Alsace) : «Les bons comptes font les bons...»

Discussion et pause

11h : Alain Schaffner (Université Sorbonne nouvelle-Paris III) : «Le romanesque dans Les Faux-Monnayeurs»

11h30 : Peter Schnyder (Université de Haute-Alsace) : «‘‘Vous pouvez tout raconter, mais à condition de ne jamais dire) : Je.” Gide critique de Proust»

Discussion

14h : Anne-Sophie Angelo (Université Paris-Diderot) : «Édouard, ou comment donner forme à une réflexion sur le roman»

14h30 : Pierre Masson (Université de Nantes) : «Seuils et frontières dans Les Faux Monnayeurs»
Discussion et pause

15h30 : Eric Marty (Université Paris-Diderot), «Livre écrit, livre volé, livre différé : perversion et sublimation dans Les Faux Monnayeurs»

16h : Claude Coste (Université Stendhal-Grenoble III), «L’art de la fugue»
Discussion


UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT

CÉRILAC-LITTÉRATURE AU PRÉSENT
Journée d’agrégation 
: André Gide, Les Faux Monnayeurs
Samedi 8 décembre 2012
9h30-17h — Amphi 11A
Ouvert à tous
Université Paris-Diderot, Halle aux farines, 
Espl. Pierre Vidal-Naquet, 75013 Paris

mardi 9 octobre 2012

André Gide prix Nobel

La saison des Nobel est l'occasion d'exhumer quelques textes parus dans la presse fin 1947-début 1948 lorsque l'Académie suédoise décerna celui de littérature à Gide (dix ans tout juste après Martin du Gard). Commençons par un compte-rendu tardif (et anonyme) du "Mois littéraire" de la revue Paru - L'actualité littéraire intellectuelle et artistique n°38 de janvier 1948. Le recul lui permet de donner un savoureux échantillon des réactions de l'époque, de Benda à Queneau, en passant par Guth en Tartarin à la NRF ou Edgar Morin.


"ANDRÉ GIDE, PRIX NOBEL

Bien qu'on parlât beaucoup de T.-S. Eliot comme lauréat possible, on espérait bien, en France, que le Prix Nobel de Littérature reviendrait cette année à un de nos compatriotes. Il y a, écrivait Lucien Maury dans Les Nouvelles littéraires*,
« Une politique du Prix Nobel qui doit tenir compte des ambitions et des compétitions natio­nales, de l'universelle concurrence du talent, du génie, sans négliger les petites nations, dont la voix risque de ne pas se faire entendre... Blâmera-t-on cette politique? On ne saurait nier qu'elle s'inspire d'un principe d'équité et de justice englobant l'univers. »
Mais il y a déjà dix ans que Roger Martin du Gard avait reçu cette haute récompense pour Les Thibault, et, dès l'an passé, on parlait à nouveau d'un Français comme lauréat possible : Gide, Mauriac, Jules Romains, Duhamel. C'est une très grande joie pour l'immense majorité des lettrés de notre pays que de voir en 1947 l'Académie suédoise honorer l'auteur des Nourritures terrestres, c'est-à-dire non seulement un de nos meilleurs stylistes, mais un homme dont la vie entière offre, dans ses variations mêmes, un si émouvant exemple d'indépendance et de probité intellectuelles. On n'a pas manqué de remarquer que, si l'on excepte sa récente nomination de docteur honoris causa d'Qxford, le prix Nobel est la première consécration officielle de cet écrivain qui, pour conserver une complète liberté, dédaigna tontes les distinctions, la gloire académique comme le ruban rouge.
Tandis que Gide apprenait la nouvelle en Suisse et s'en réjouissait tout en craignant un peu que sa tranquillité ne s'en trouve troublée, un concert d'éloges s'élevait dans la presse française ; et le pauvre Léon-Paul Fargue, dont ce fut un des derniers papiers, concluait ainsi une série de souvenirs : « Notre Gide est tout simplement l'honnêteté même ».
De même, Jean Rabaud dans Le Popu­laire, écrivait :
« Toute l'œuvre de Gide jusque dans ses contradictions, jusque dans ses parties discu­tables, est un appel à l'affranchissement et une dénonciation du mensonge. Il a toujours été un antitotalitaire avant la lettre, profondément, organiquement. Avec des retraits imprévus parfois des coquetteries, des erreurs et des boutades, Gide a su glisser entre les mains de tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, voulaient entreprendre sur l'autonomie de la personne humaine. »
Nous ne pouvons faire ici un florilège des innombrables articles célébrant l'évé­nement et vantant, en termes presque identiques, les qualités de l'écriture et la noblesse de pensée d'André Gide. Je signale simplement que cette chaude sym­pathie déborde largement du cadre de la presse littéraire proprement dite. Voici, par exemple, l'opinion d'un journal sioniste de Paris, La Riposte, sous la plume de M. Arnold Mandel.
« Gide a été pour toute une génération de jeunes hommes un professeur de conscience. Il n'a pas enseigné ex cathedra des systèmes et des dogmes, mais, dans son dialogue intérieur ininterrompu, il exprime une morale (et non une attitude) de comportement caractérisée par une rigueur extrême et la défiance de soi-même. »
Il y eut, toutefois, ici et là, quelques réserves. A L'Aube, par exemple, où l'on reconnaît que l'influence de Gide est
« incontestable, mais, à beaucoup d'égards, redoutable et novice ».
Je citerai deux autres articles intéressants et nuancés et qui me paraissent significatifs parce que les critiques qu'elles [sic] contiennent sur l'œuvre de Gide portent sur des points qui, pour d'autres, sont précisément des raisons d'admiration ou d'estime. M. Albert Béguin**, déclare, dans Une Semaine dans le monde.
« ...C'est l'un des paradoxes de la vie de Gide : préoccupé de vivre à contre-courant, soucieux de cultiver « sa différence » craignant toujours de n'être pas assez « un être à part », il s'est donné pour consigne de rester indécis, mouvant, rebelle aux conclusions qui fixent un homme dans son attitude et l'immobilisent dans sa vérité (...). Mais dans ce refus de se trouver, dans cette volonté de prolonger la disponibilité de l'adolescence, n'y a-t-il pas un autre risque qui est celui de vivre les yeux fixés sur cela qu'on ne veut pas être? Et, en particulier, de peur d'adhérer à quelque orthodoxie, de peur d'être un jour d'accord avec tout le monde, Gide ne s'est-il pas inquiété plus que quiconque de ce que pensait tout le monde ? »
L'auteur croit qu'avec le recul l'œuvre de Gide paraîtra moins grande et surtout moins scandaleuse qu'on ne l'a cru.
« L'enseignement explicite de ses premiers livres (...) fut nécessaire et opportun au déclin
de l'ère bourgeoise. Mais c'était déjà le déclin et des coups plus forts que les siens avaient été portés aux idoles qu'il abhorrait. »
Selon Béguin, on a eu le tort de confondre successivement Gide avec les grands hommes dont il se réclame — Montaigne, Goethe, Nietzsche, Dostoïewsky — et d'égaler son œuvre à la leur. Son vrai ancêtre, estime-t-il, c'est Rousseau.
« Les Confessions elles aussi, ne sont écrites qu'en vue de démontrer que Jean-Jacques ne ressemble à personne {...). Et Les Rêveries sont une apologie dont l'auteur, comme Gide le fait si souvent (...) prépare les pièces qu'au jour du Jugement il mettra sous les yeux de Dieu. Mais ce souci de paraître unique et de justifier par là sa vie est aussi ce qui restreint la portée de l'œuvre de Gide sans cesse enclose dans ses problèmes individuels quand elle eût pu atteindre à une valeur bien plus universelle. »
De M. Julien Benda, qui a consacré à Gide deux articles presque identiques dans L'Ordre de Paris et dans Opéra***, on n'attendait pas naturellement des roses sans épines :
« Le plus grand prix de littérature allant à Gide ne pouvait s'adresser à plus juste ; Gide est le type du littérateur. 
» ... On est frappé quand on le lit, notamment ses écrits critiques, de l'ingéniosité de nombre de ses vues, de leur vertu d'insinuation, de leur nuancement, de leur nouveauté, souvent de leur justesse, et en même temps de leur dispersion, de leur refus de se serrer l'une à l'autre comme les molécules d'un bolide (...), de leur impuissance à consister; on note, comme également dignes d'intérêt, la saveur de chacune et, d'autre part, leur indépendance réciproque, voire leur contradiction (...); on admire son talent à comprendre les individualités et son manquement total à former au-dessus d'elles un concept général propre à les intégrer. »
Selon Benda, Gide fait de l'idée une occasion d'émoi, de sport littéraire, d'élan lyrique et relève ainsi de ce que l'auteur de La France byzantine appelle le lyrisme idéologique...
« ...dont les fondateurs auront été Nietzsche en Allemagne, Barrés en France (…). De là ces formules verbalement très heureuses — généralement péremptoires — mais qui ne résistent pas à l'examen critique et dont c'est faire preuve d'inintelligence que de les y soumettre. »
Et c'est précisément pour cela, conclut Benda, que l'influence de Gide aura été et reste considérable.
« Parce que, avec son culte de l'inquiétude, du non fixé, du pur sentir, du pur individuel, du pur nouveau, son relus à justifier ses dictats, son haro sur l'effort analytique, systématiseur, explicateur et autres ascèses intellectuelles, il aura été, et est encore, l'homme dans lequel tout un monde moderne s'enivre de sa propre image. »
On ne s'étonnera pas que, seules dans la presse, des publications communistes aient adopté un ton franchement hostile et souvent très violent à regard de l'auteur de l'inexpiable Retour d'U.R.S.S. Je ne parle pas de Ce Soir qui, lui, a purement et simplement passé sous silence la nouvelle du prix Nobel.
« M. André Gide, écrit L'Humanité, sait écrire, traduire et se comporter en toutes circonstances au mieux de ses intérêts particuliers. Il sait lâcher les jeunes gens sur les chemins de la liberté et leur apprendre « la ferveur ». II sait se faire une raison quand il est d'un côté de la mer et que l'on meurt de l'autre côté. »
Phrase que J. Bloch-Michel commente ainsi dans L'Intransigeant :
« Somme toute, M. André Gide, qui est âgé de soixante-dix-huit ans, aurait dû écrire ou même. se battre dans le maquis. »
Dans Action (19-11-47), Edgar Morin**** commence ainsi son papier :
« II y a des génies qui devancent l'histoire (…). Et puis l'histoire les rattrape. Et puis l'histoire les dépasse. »
Et, à l'instar de cet historien qui divisait le siècle de Louis XIV en deux périodes : « Avant la fistule » et « Après la fistule », l'auteur distingue deux Gide, celui d'avant 1936 (l'année du fameux voyage), l'écrivain dont il loue « l'immense influence libératrice sur la jeunesse » de l'époque, et celui d'après 1936 « qui écrit toujours aussi admirablement » mais dont l'anticommunisme a souillé le caractère universel de son « message ». Ce second Gide...
« ...rentre dans le sein des familles bourgeoises. « Après Kœstler, tu liras Retouches au retour d'U.R.S.S. mon petit chéri. — Oui, maman. » Dommage pour l'humanité. Dommage pour Gide. »
Mais, dans Action de la semaine suivante, C. Hofman, qui trouve sans doute Edgar Morin trop indulgent, proteste : mais non, mais non, il n'y pas deux Gide, il n'y en a qu'un, le Gide pour lequel sauver la culture, c'est sauver la bourgeoisie, pour lequel la culture est un privilège de classe, inaliénable.
« André Gide, c'est Janus. Un visage pour le passé, l'autre pour l'avenir. Seulement, Janus ne fait pas deux, mais un seul être. Comme Narcisse, il est seul.— Que faire ? Contempler. Sa nature double l'empêche en effet de prendre parti. Janus, c'est l'attentisme. Janus, c'est encore le double jeu. »
Dans Les Lettres françaises, Jean Kanapa sous le titre Le Prix Nobel à un faux monnayeur, emploie des procédés de style qui présentent une certaine analogie avec celles de E. Morin :
« La disponibilité. La gratuité. L'indifférence. Le « désintéressement ». La « ferveur ». La sensualité délirante — et, si possible (c'est recommandé), perverse. Tout cela, c'est merveilleux pour les gens, pour « la classe » qui distribue les Prix Nobel...
» — Et « l'adhésion » au communisme» m'sieu ? — Oh! cela, ce fut merveilleux... Bon papa Gide s'est dit : « Le communisme, voilà mon affaire. » Une religion épatante, à ce qu'on dit. Et bon papa (...) va visiter la Terre promise (...). Et là, que voit-il ? Il voit que le communisme n'est pas une religion (...), que le kholkozien (...) ne sait pas par cœur la fameuse prière Numquid et tu qui commence, vous vous en souvenez, par ces mots immortels : « O fruition paradisiaque de chaque instant... » Alors, bien sûr, bon papa Gide comprend. Comprend qu'il s'est trompé. Et dit qu'on l'a trompé. Et écrit qu'on ne l'y reprendra plus. Il écrit cela dans Retour d'U.R.S. S, — que je vous recommande de lire, mes chers enfants, lorsque vous aurez fini votre Kravchenko. »
Trois cents lignes de cette veine, avec, au passage, une pointe contre Mauriac qui, jadis « se situait contre Gide » : tous deux sont aujourd'hui complices...
« ...de la même entreprise d'avilissement, d'égoïsme, de réaction intellectuels. Ennemis de la culture. Ennemis de l'homme, » etc, etc...

La majeure partie de l'œuvre de Gide est publiée à la N. R, F. L'infatigable Paul Guth a eu l'idée d'aller voir, pour Le Figaro littéraire, comment réagissaient les principaux locataires de l'hôtel de la rue Sébastien-Bottin.
« — Vous devez être heureux, dit-il à Paulhan, le second Nobel N.R.F...
» — Comment! Nous n'en avons eu que deux ? s'étonne l'incorrigible farceur, qui feint de croire que Valéry l'avait eu aussi, et ajoute : Nous ne sommes pas beaucoup pour les prix dans la maison (...}. Enfin, ce qui est fait est fait (...). Ça ne changera rien aux sentiments! »
Et Raymond Queneau, second plaisantin, de la maison :
« Du moment qu'on joue le jeu du Prix Nobel, je trouve que c'est bien joué. Gide, de tous les vieux c'est le mieux. » Et il ajoute : « Roger Martin du Gard, Gide, c'est les fondateurs de la N.R.F. Peut-être qu'il lui a fallu trente-sept ans, à la Revue, pour arriver à Stockholm. »

Gide, souffrant ces derniers temps, n'a d'ailleurs pu se rendre dans la capitale suédoise, pour recevoir les 140 000 couronnes (4 820 000 francs) du prix, et c'est M. Puaux, ambassadeur de France qui l'a remplacé.

[...]"

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* Le prix Nobel de littérature, Lucien Maury, Les Nouvelles Littéraires, 13 novembre 1947 
** Albert Béguin, Une Semaine dans le Monde, ?? novembre 1947.
*** Prix Nobel de littérature, Julien Benda, Opéra, 19 novembre 1947
**** Familles, je vous haïssais, Edgar Morin, Action, 19 novembre 1947



vendredi 5 octobre 2012

Quelques rendez-vous en octobre


Les Amis du musée Alain de Mortagne-au-Perche s'intéressent à l'économie coopérative à l'occasion des Journées Alain les 6 et 7 octobre prochains, et invitent pour cela Gide... Charles Gide ! Samedi 6 octobre à partir de 15h un colloque rappellera les théories de l'oncle d'André Gide qui avait notamment publié les Propos à La Laborieuse, son imprimerie coopérative.


Ce week-end à Gaillac se tient le Salon du Livre. Dimanche 7 octobre à 15h, Pierre Masson et Geneviève Nakach évoqueront le « Malaquais rebelle » aux côtés de Myriam Anissimov qui parlera de Vassili Grossman. Un café-littéraire prolongé par des lectures des textes de ces deux auteurs par Régis Maynard.


Les 12, 13 et 14 octobre à l'Hôtel Salomon de Rothschild à Paris se tiennent les premières Rencontres internationales des lettres et manuscrits. Des débats, lectures, concerts, dédicaces et une exposition (entrée libre) d'œuvres issues des collections du Musée des lettres et manuscrits, parmi lesquelles on annonce Gide mais aussi Goethe, Balzac, Hemingway, Saint-Exupéry, Breton ou Cocteau...


A partir du 11 octobre et jusqu'au 27 janvier la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent consacre sa 18ème exposition au peintre Jacques-Émile Blanche. Une belle mise en scène avec accompagnements musical et olfactif pour cette rétrospective intitulée « Du côté de chez Jacques-ÉmileBlanche. Un salon à la Belle Époque ».


Charles Gide sera à nouveau à l'honneur les 19 et 20 octobre à Uzès où se tiennent les 1ères Rencontres Charles Gide. Deux jours d'un riche programme de colloques et d'animations ainsi qu'une exposition intitulée « Charles Gide, Uzétien, économiste solidaire, paysagiste solitaire » à voir à la Médiathèque d’Uzès.



Pour marquer la fin de l'exposition « André Gide et les siens » à l'Institut Pierre Wiener de Luxembourg, Frank Wilhelm donnera une conférence sur lesrelations entre Aline Mayrisch et André Gide le 22 octobre à 18h30, suivie par la présentation du nouveau livre Aline Mayrisch-de Saint-Hubert : Ecrits, présenté par Cornel Meder et Frank Wilhelm et édité par le Cercle des Amis de Colpach.



jeudi 4 octobre 2012

Des traductions inédites

La flûte de l'infini, suivi de Poèmes, 
d'après la version établie par Rabindranath Tagore
édition de Jean-Claude Perrier, trad. de l'anglais par André Gide
et Henriette Mirabaud-Thorens. 
coll. Poésie, Gallimard, 2012
192 pages, ISBN 9782070444687, 8€


«Joie du travail, de la tranquillité, de l'équilibre. Sereine gravité de la pensée. Commencé à traduire les poèmes de Kabir», écrit Gide dans son Journal. Nous sommes à la fin février 1916, Gide est à Paris, comme désœuvré : on le croit à Cuverville mais la neige et le verglas ne lui permettront de s'y rendre que début mars, au terme d'un «voyage de dix-huit heures, agrémenté d'une collision à Serquigny; quatre ou cinq morts et une vingtaine de blessés. (Voir les journaux).»

A la guerre se surajoute pour Gide une crise religieuse, qui débouchera sur Numquid et tu ?, l'impression aussi que sa vie est en grande partie derrière lui et qu'il est temps de commencer à écrire ses mémoires. «Jours indiciblement mornes; pluie incessante et vent glacé. Repris la rédaction de mes Mémoires; traduit quelques pièces de Kabir et poursuivi la lecture de Jean-Christophe.» (Journal 28 mars 1916)

Dans ces moments, la simplicité et les questionnements de ce tisserand illettré qui allait devenir le père de la langue et de la littérature hindi, sa spiritualité mêlant hindouisme et islam, ainsi qu'un peu de zen dans son côté paradoxal, apportaient dépaysement et ressourcement à Gide. C'est bien entendu par Tagore, dont il avait traduit de l'anglais des parties du Gitanjali quelques années plus tôt, que Gide eut connaissance des poèmes de Kabîr.

On doit à Jean-Claude Perrier, qui avait déjà exhumé Le Ramier des archives de Gide, cette nouvelle trouvaille. Il explique :  «Pour rompre avec les habituels intitulés "chansons", "poèmes" ou "paroles", nous proposons au lecteur français, sous le beau titre La Flûte de l'Infini, les traductions, totalement inédites, par André Gide, de vingt-deux poèmes de Kabîr, plus un tercet non identifié. En regard, leur version anglaise par Rabindranath Tagore. À la suite, nous donnons l'intégralité du recueil des Poèmes de Kabîr, dans l'édition de 1922 et la traduction d'Henriette Mirabaud-Thorens.»