vendredi 30 mars 2012

L'Hôtel Rondeaux devient un tribunal

 L'Hôtel Rondeaux, rue de Crosne à Rouen
(photo Stéphanie Péron-Jaume - source)

Dans l'édition d'aujourd'hui de Paris-Normandie.fr, on apprend que l'Hôtel Rondeaux de la rue de Crosne à Rouen va dans les prochains mois abriter le tribunal d'instance. Construit en 1785 par un descendant de l’économiste Pierre Le Pesant, seigneur de Bois-Guilbert, cousin éloigné des Corneille, l'Hôtel de Bois-Guilbert est racheté en 1832 par Edouard Rondeaux, le grand-père de Gide. C'est là que naîtra Juliette Rondeaux, la mère d'André Gide, en 1835.

Il y a quelques mois la revue Fenêtre sur Tour revenait sur l'ascension des Rondeaux et les racines rouennaises d'André Gide.On ignorait encore à ce moment que le bâtiment allait devenir un tribunal. Par une ironie du sort qui ne serait pas pour déplaire à Gide, lui qui ne manquait pas d'assister aux procès dans les villes qu'il visitait, et qui avait surtout voulu devenir un juré d'assises pour voir de l'intérieur le fonctionnement et les dysfonctionnements de la justice...

Cinq rendez-vous en avril


Jeudi 5 avril de 18h à 20h, l'Université de Caen propose une présentation-débat à partir de l’ouvrage : De Pontigny à Cerisy (1910-2010) : des lieux pour « penser avec ensemble » (éditions Hermann), Actes du colloque, organisé à Cerisy en 2010, à l’occasion du centenaire de l’aventure culturelle initiée en 1910 par Paul Desjardins à Pontigny et poursuivie, à partir de 1952, par Anne Heurgon-Desjardins à Cerisy.  Programme :

Accueil et ouverture : Pascale Cauchy (vice-présidente de la Région de Basse-Normandie, chargée de la culture), Pascal Buléon
De Pontigny à Cerisy, une aventure culturelle séculaire : présentation de l’ouvrage par Claire Paulhan (éditrice, chargée de mission à l’IMEC), Édith Heurgon
Cerisy, en Normandie et dans le Grand Ouest : Comment fédérer davantage les acteurs culturels et scientifiques ? Comment Cerisy peut y contribuer ? Comment favoriser la venue à Cerisy d’étudiants et jeunes chercheurs ?
Débat avec Pierre Bouet (ancien directeur de l’OUEN, animateur du cycle sur la Normandie médiévale, à Cerisy), Pascal Buléon, Armand Frémont (géographe, normand, ancien recteur), échanges avec la salle.
Plus d'informations sur le site de l'Université de Caen.


Du 7 au 9 avril, Montolieu, village du livre, tient son 19e salon du livre et accueille une exposition sur les Editions Gallimard (Musée des arts et métiers du livre, vernissage samedi 7 avril, 19h, entrée libre) et une rencontre avec Roger Grenier, Marie Didier et Jean-Marie Laclavetine (salle Jean Guéhenno, dimanche 8 avril, 15h-18 h, entrée libre).
Plus d'informations sur le site de Montolieu.


Jeudi 19 avril à 16h, projection des films « André Gide, Un petit air de famille » et « Gide chez Mauriac » à la médiathèque Emile Zola de Montpellier, suivie à 18h30 d'une rencontre avec leur réalisateur, Jean-Pierre Prévost. Présentation :

Après une licence et un doctorat de mathématiques à l’Université de Caen, et un doctorat d’esthétique à l’Université de Nanterre, Jean-Pierre Prévost a écrit et réalisé deux long-métrages pour le cinéma et de très nombreuses fictions, séries et documentaires pour les TV françaises, canadiennes, américaines.
Passionné par l'œuvre et la vie d’André Gide, il a réalisé quatre films : « Portrait d’André Gide » avec Jean-Denis Bredin de l’Académie française pour la série « Un siècle d’écrivains » diffusé sur France 3, « André Gide, Un petit air de famille » sélectionné au Festival de Biarritz 2009, « Gide chez Mauriac » produit par la Fondation Catherine Gide et le Centre François Mauriac de Malagar, « Voyage au Congo » version sonore du film de Marc Allégret, musique de Pierre Thilloy.
Il a également dirigé la rédaction du livre « André Gide, Un album de famille » (Editions Gallimard/Fondation Catherine Gide 2010) et collaboré aux « Entretiens » de Catherine Gide (Editions Gallimard 2009)
Jean-Pierre Prévost prépare actuellement l’adaptation pour le théâtre des « Nourritures terrestres » et la rédaction du livret des « Faux-Monnayeurs » pour un opéra de Pierre Thilloy (création prévue courant 2012).
Plus d'informations sur le site de Montpellier Agglomération.



Vendredi 20 avril de 14h à 15h30 dans le cadre de son cycle de conférences, l'Institut Universitaire Tous Ages de Beauvais (IUTAB) propose une intervention de Fabienne Sebert, enseignante et chercheur, sur le thème « Gide à la recherche du roman au début du vingtième siècle ». Rendez-vous à l'Université de Picardie Jules Verne, Antenne Universitaire, Amphi Bunuel, 1er étage. 
Plus d’informations sur le site de l'IUTAB.



Samedi 28 avril (horaire à définir), Gide sera à l'honneur avec une présentation du Journal par Eric Marty et une lecture. Pour sa sixième édition, le festival littéraire « Une Saison de Nobel » sera hors ses murs de l'Hôtel Massa pour plusieurs lectures dans le cadre du Salon International du Livre Ancien, de l'Estampe et du Dessin les 27, 28 et 29 avril au Grand Palais, à Paris. 
Plus d'information et calendrier de toutes les lectures sur le site d'Une saison de Nobel.


lundi 26 mars 2012

Escale du Livre de Bordeaux



Dimanche 1er avril à 11h au Forum de l'Escale du Livre de Bordeaux :

Gide chez Mauriac
Rencontre littéraire

Gide chez Mauriac (Confluences) retrace en un ouvrage collectif et un DVD les thèmes chers aux deux écrivains, la religion, la politique, le corps, la musique... Hommes d'hier, ils nous éclairent sur le monde d'aujourd'hui.
Rencontre en présence de Caroline Casseville, Martine Sagaert, Jean-Pierre Prévost, le réalisateur du film et Jean-Claude Ragot, le directeur du Centre François Mauriac de Malagar.

lundi 19 mars 2012

D'une parution

« Nombre d'autres écrivains amis de mon grand-père qui venaient déjeuner ou dîner dans la salle à manger auraient pu, en passant, me glisser trois mots pour enfants. Non, je pense que celui-là, André Gide, je l'ai vu dans l'escalier un peu en dehors et pourtant inclus dans l'intimité de mon grand-père, et depuis si longtemps, que je me retourne en premier vers lui, en souvenir peut-être de cette merveilleuse amitié qui a lié Pierre Louÿs, Gide et Valéry à l'âge où la curiosité, la générosité, la pertinence et l'impertinence, quand elles sont associées à une culture fougueuse et étendue, cimentent des liens uniques. Et ces attaches sont inamissibles. Cela, je le sais depuis toujours. » 

(Martine Rouart, La Cuisinière de Mallarmé)


Pour une fois, je me permets de vous renvoyer du côté de P.V. pour le compte-rendu de ce très joli livre-album de souvenirs de Martine Rouart sur son grand-père, et paru aux éditions Michel de Maule.


 
ISBN : 2-87623-319-5, 120p, 9€

vendredi 9 mars 2012

Quoi de neuf ?


Les ressources en ligne viennent d'être mises à jour et augmentées de 16 nouveaux documents : ce sont désormais 324 liens qui vous y attendent. Le dernier arrivage n'est pas des moindres puisqu'il contient notamment deux articles de Victor Serge parus dans La Wallonie fin 1936, des articles de Denis Pernot sur Du Bos, de Claire Bompaire-Evesque sur Barrès et Claudel, de Pierre Brunel sur Taha Hussein et de Serge Bernstein sur Blum...
Les Amis d'André Gide sont également très présents dans cette nouvelle moisson de liens avec des textes de Jean-Michel Wittmann (Un portrait de l'apprenti romancier en poète : Isabelle d'André Gide et Jules Lemaitre au miroir d’André Gide), d'Alain Goulet (L'auteur mis en abyme. Valéry et Gide), Peter Schnyder (Une Femme en abyme : Maria Van Rysselberghe) ou encore Jean-Pierre Prévost (André Gide, un album de famille). 
Les liens sont toujours classés par les noms de leurs auteurs dans l'ordre alphabétique. Pour rechercher dans la page une œuvre, une personne ou un sujet en particulier, vous pouvez ouvrir une boite de dialogue en appuyant simultanément sur les touches Ctrl et F de votre clavier. N’hésitez pas à m'envoyer des liens vers des documents intéressants qui ne seraient pas encore recensés ou à me signaler tout lien mort. 

mercredi 7 mars 2012

Gide, Jules et Jim



Il est toujours amusant de trouver des échos gidiens là où l'on s'y attend le moins. Ainsi au détour d'une recherche apprend-on que Gide eut une influence sur l'écriture de Jules et Jim, et plus généralement sur son auteur : Henri-Pierre Roché. Un auteur injustement méconnu, malgré le succès des films tirés par Truffaut de ses livres, et un personnage aux aventures passionnantes racontées par Xavier Rockenstrocly dans une thèse* présentée en 1996 et dirigée par... Claude Martin, éminent gidien ! Mais les coïncidences ne s'arrêtent pas là...



Henri-Pierre Roché, Broadway Photo Shop, NYC, 1917
Collection Centre Pompidou



Henri-Pierre Roché est né le 28 mai 1879, dix ans après Gide mais à seulement dix-huit numéros de lui, rue de Médicis à Paris. Comme le petit André, Henri a pu voir des fenêtres de l'appartement familial les allées du Jardin du Luxembourg où il a passé sa prime enfance. Deux milieux de deux familles toutefois différents : chez les Roché la mère est une catholique pieuse, le père pharmacien. Un père qui meurt alors qu'Henri n'a pas deux ans, le laissant face à une mère aussi omniprésente qu'elle est intransigeante. Cela vous rappelle quelqu'un ?

Comme Gide encore, le petit Roché est de santé fragile, sujet aux fréquents maux de tête, mais s'il déteste l'école chez les prêtres, le cours Bossuet, puis le lycée Louis le Grand, il poursuit ses études jusqu'aux baccalauréats, qu'il obtient. Plus tard dans une nouvelle intitulée Le Pasteur, il décrira l'atmosphère d'homosexualité refoulée de l'école religieuse. Xavier Rockenstrocly fait à ce sujet allusion à deux probables expériences homosexuelles intervenues alors qu'il était au cours Bossuet. « [Sa mère ] avait mis en garde Pierre contre les différentes pratiques homosexuelles possibles. Comme un bon fils, il semble avoir écouté sa mère. Mais c’est pour mieux se rattraper avec le sexe féminin. », ajoute Xavier Rockenstrocly.

Le jeune Roché et sa mère voyagent – autre point commun – notamment en Angleterre et en Allemagne, voyages au cours desquels il apprendra bien mieux qu'à l'université. Il y a entamé sans conviction des études de droit pour devenir ambassadeur, ainsi que le souhaite sa mère. En parallèle il suit des cours de dessin et de peinture à l'Académie Julian. Qu'il abandonne également, conscient qu'il n'a pas le talent d'un Picasso, auquel il rend visite régulièrement. C'est ainsi qu'il devient l'intermédiaire entre les jeunes peintres et les littérateurs, musiciens et collectionneurs qui souhaitent acheter des œuvres d'avant-garde. C'est lui, par exemple, qui présente Picasso aux Stein, Marie Laurencin (qui a été sa maîtresse) à Wilhelm Uhde et Paul Rosenberg.

Henri-Pierre Roché publie quelques nouvelles à partir de 1903 et, en 1905, commence l'écriture du recueil Don Juan et...** où il apparaît sous les traits du séducteur pathologique. En 1912, après les refus de Fasquelle et Calmann-Lévy, Henri-Pierre Roché propose son manuscrit à la NRF : « Jacques Copeau lui dit le bien qu’il en pense, et un vote est organisé à la NRF. Copeau et Gide votent pour, Rivière et Schlumberger contre », raconte Xavier Rockenstrocly. Le chercheur signale plusieurs rencontres en mai 1919, alors que Roché est devenu un marchand d'art plus officiel : « Roché est de plus en plus sûr de lui pour la peinture. Il n’hésite plus à montrer sa collection, et reçoit ainsi Gide le 13 mai 1919, puis le 1er novembre 1919, qui vient voir les Laurencin et les Perdriat***. Gide finira par acheter un Laurencin. »

Mais ces rencontres de 1912 et 1919 ne sont pas les premiers contacts entre les deux hommes, comme en attestent les quinze lettres d'Henri-Pierre Roché à André Gide conservées à la Bibliothèque Doucet****, datées du 23 octobre 1902 au 4 février 1917. Il y a surtout une admiration de Roché pour l'écrivain qui, ainsi qu'il veut le faire, injecte la vie, sa vie, dans ses livres. Et dans son journal. Car Roché tient lui aussi un journal depuis son plus jeune âge et considère celui de Gide comme « une référence constante », « un modèle du genre », explique Xavier Rockenstrocly, qui a eu accès aux « sept mille cinq cents pages tapées à la machine, et plusieurs centaines de pages manuscrites, couvertes d’une minuscule écriture » qui constituent l'intégralité du Journal et des Carnets***** de Roché. En 1929, échangeant son journal avec celui d'une ancienne maîtresse, Roché note : « Je voudrais parler de son Journal à André Gide », en 1930 : « J'aimerais que Colette et Gide en lisent quelques pages »******. Il espère même une préface de Gide aux morceaux choisis de ce « Journal de Denise ».

On retrouve l'idée d'un journal à quatre mains, dès les années 20, alors que s'engagent les relations passionnées entre Henri-Pierre Roché, Franz Hessel*******, Helen Hessel et sa sœur Bobann, prémices à l'histoire de Jules et Jim. Une histoire qu'il n'écrira que bien plus tard, à la mort de Franz Hessel en 1943, et qui sera publiée en 1953. Au moment d'en commencer l'écriture, c'est encore à Gide qu'il songe... Au Gide qui a résolu de « risquer » non seulement de dire, malgré les exhortations de Claudel, mais encore de dire « je », malgré les recommandations de Proust et de Wilde. C'est un très beau passage des Carnets de Roché que cite Xavier Rockenstrocly :

« La principale interrogation de Roché porte sur la nécessité ou non de travestir la réalité. Faut-il, comme il le note à la page 3, « tout démarquer : noms, lieux, pays », cette transposition permettant une franchise totale ? Ou bien faut-il « risquer comme A. Gide ? » comme il le suggère à la page 6 ? Une Amitié ne répond pas à ce problème. En revanche, il indique bien quelles sont les intentions stylistiques de Roché quant au roman à venir :
Faire un « Franz et Jean » - pas de « Je » - plus facile à styliser ? - Des situations comme dans « des Souris et des Hommes » simples, avec quelques gestes, sans aucune psychologie exprimée - Un récit objectif des 2 - Aussi qq. Souvenirs typiques de mon enfance. Présenter la vie des 2 par qq points sensibles, avant de les faire se rencontrer [ils ont faim d’amitié et d’amour] - Eviter tout sentimental direct exprimé - User de peu d’adjectifs. »

On peut encore songer avec ce passage dans la coulisse au Journal des Faux-Monnayeurs, tant dans le registre psychologique que dans celui des thèmes abordés. On pourrait trouver encore bien d'autres points communs entre Gide et Roché, à commencer par leur commun mépris pour les tabous qui touchent à la sexualité. Une même volonté d'affranchir la famille, la société et l'art des conventions bourgeoises. Une même défense des amitiés franco-allemandes. Un même engagement plus moral que politique envers le socialisme et le communisme. Une même générosité sans démonstration...

Après la guerre Henri-Pierre Roché continue en effet à soutenir les jeunes artistes, en collectionneur, en mécène lui-même et toujours en mettant en relation artistes et acheteurs. Il finance ainsi la galerie Drouin où Gide soutiendra l'exposition Blake en 1947, où Otto Wols, que nous avons déjà évoqué ici, présentera ses aquarelles. En 1956 il termine le roman Les deux Anglaises et le continent, inspiré lui aussi d'anciens souvenirs amoureux, et rencontre Truffaut avec qui il projette d'écrire le scénario tiré de Jules et Jim. Mais il tombe malade et meurt en 1959.


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* Henri-Pierre Roché. Profession : écrivain. Thèse présentée par Xavier Rockenstrocly, sous la direction du Professeur Claude Martin, Université Lumière-Lyon II, 1996. A lire en ligne sur le site Jules et Jim consacré à l’écrivain et à l'association de ses amis, dont Xavier Rockenstrocly est le président.
** Editions de la Sirène, 1920, réédition : Editions André Dimanche, 1994.
*** H.-P. Roché a découvert le peintre Hélène Perdriat (1894-1969), qui après Marie Laurencin deviendra la maîtresse de Roché. Il la présentera à Jacques Doucet, Paul Poiret...
**** Cote : Gamma 763 (1-15)
***** Une gigantesque masse de documents de Roché est détenue par le Harry Ransom Humanities Research Center (HRHRC) de l’Université du Texas, Austin. En plus des Carnets et du Journal, nombre de nouvelles et d'essais restent inédits. Parmi lesquels, par exemple, une Histoire du protestantisme. Sa seconde femme, Denise, était d'ailleurs protestante, mais il ne renia jamais son catholicisme.
****** Journal, inédit en date du 26 août 1929 et du 17 août 1930, cité par Xavier Rockenstrocly.
******* Franz Hessel est le Jules du récit, Helen Hessel est Kathe, Roché étant Jim. Le fils de Franz et Helen, Stéphane Hessel, échangeait récemment quelques souvenirs avec Jeanne Moreau, qui devait interpréter sa mère dans le film tiré du roman par Truffaut, dans le Nouvel'Obs.