jeudi 3 novembre 2011

Vente Julien Green à Genève


Dimanche 27 novembre à Genève seront dispersées les archives littéraires et familiales de Julien Green. Un peu plus de 200 lots constituent cette vente : une cinquantaine de manuscrits autographes (toutes les grandes œuvres de Green mais aussi quelques textes de Robert de Saint-Jean), des milliers de lettres, documents, articles, des photographies, l'épée de l'académicien et même ses bagages... Son fils adoptif Eric Jourdan, ou Jean-Eric Green ainsi qu'il signe son texte en ouverture du beau catalogue, explique sa décision de vendre, et surtout de vendre en Suisse, d'où aucune demande de passeport pouvant aboutir à des interdictions de sortie du territoire, comme en France, n'est nécessaire :

« Quand mon père ne fut plus là, il me fut clair qu'il me serait impossible de garder sa fondation. Cependant je voulais respecter sa volonté et ses désirs selon une lettre codicille qui me fut remise. Le temps passait. J'ai compris qu'il ne fallait pas laisser une œuvre sous un sarcophage, si précieux fût-il, car il faut qu'elle reste vive. Je n'oubliais pas non plus qu’il refusait les endroits officiels et considérait que beaucoup d'universités sont des temples à la merci des mandibules d'insectes chercheurs déjà desséchés. [...] Mettre les manuscrits face à d'autres yeux et à la portée d'autres mains, ce serait leur donner une nouvelle existence et les faire vivre comme l'aurait désiré leur auteur. C'est ce que je fais à présent. »

Julien Green, un siècle d'écriture,
vente par l'étude Pierre Bergé & Associés,
dimanche 27 novembre à 14h à Genève


Au lot 172 figurent 19 lettres d'André Gide (14 autographes signées + 5 lettres signées), soit environ 30 pages in-8 ou in-4, envoyées entre 1927 et 1949. Extraits du catalogue :

Vers 1927 : « ...Nous organisons, à quelques amis, une représentation privée du très beau film soviétique, interdit par la censure : Les derniers jours de S. Pétersbourg... demain jeudi – Vieux Colombier... », etc.
1929 : « … Je voudrais bien savoir, avant de quitter Paris, ce que devient votre projet de scénario… si quelque point vous embarrasse, pourrions-nous opportunément en parler ensemble et avec Marc Allégret… Je me souviens de vous avoir dit que je vous ferais parvenir le scénario de n'importe quel film, qui vous permette de voir comment il s'agit d’exposer cinématographiquement le sujet… »
« … Julien Green sort d' ici à l'instant m'a dit ce matin G. Gallimard… En vain j’ai cherché à vous rattraper dans la rue… »
« … Aussi désireux de cette rencontre que vous pouvez l'être vous-même… Marc A.[llégret]… doit me rejoindre… Il vient de tourner, chez les Fabre-Luce, un film ‘électoral’ qui l’a complètement occupé… », etc.
1932 : « … N'était-ce pas à vous que je parlais récemment de Thomas Traherne… vous recommandant, de préférence à ses Poetical Works… son volume de proses Centuries of Meditations… », etc.
1934 : « … Comment vous dire ma joie ? Votre Visionnaire dépasse, et de beaucoup, mon espérance. Mon attente était exigeante… J'ai beaucoup tardé à le lire… J'attendais l'heure : qui, pour moi, lorsqu'il s’agit d'une œuvre littéraire, n'est jamais… l'heure où les critiques en parlent… Mais, Stoisy Sternheim me harcelant, j'ai fini par ouvrir Le Visionnaire… Cher ami, j'aime immodérément votre livre… », etc.
1935 : De Fez, il écrit : « … J’ai beaucoup parlé de vous… avec Jef Last qui m’accompagne et qu'il faudra que vous ne tardiez pas à connaître… Ils ont mis à la disposition de Jef Last et de moi une très vaste et agréable chambre au second étage de leur maison arabe… Quelle ville !... ». Gide était l'hôte de « Si Haddou », nom arabe de son ami Guy Delon.
1938 : « … Je ne sais dans quelles dispositions vous êtes aujourd'hui. Mais le souvenir de mon dernier coup de téléphone me met mal à l’aise. Oubliez-le je vous prie : l'idée qu' il peut salir notre amitié m'est intolérable… », etc.
1946 : De juillet 1940 à septembre 1945, Green séjourna aux Etats-Unis ; à Baltimore, il écrivit un seul ouvrage en langue anglaise, des souvenirs sur la France : Memories of Happy Days, pour lequel il obtint le Prix Harper. Cette missive de Gide est entièrement consacrée à ce livre que vient de lui prêter son ami Jef Last : « … Je n'ai pas encore lu tout le livre ; assez stupidement, l'ouvrant au hasard, j'ai commencé ma lecture au chap. VIII ; puis ai poussé jusqu'à la fin, d'un trait… je n'ai jamais plus envie de vous revoir que lorsque je viens de vous quitter… Simplicité, honnêteté profonde, naturel – ces qualités exquises (et aujourd'hui si rares !) que nous goûtons si fort… je les retrouve en vous, et m’y repose… Et, en plus… ah ! tout ce que vous dites de la création d’Adrienne Mesurat. ‘The author creates characters, and the characters create the plot’… Quel merveilleux portrait vous tracez de Cocteau ! – Et tout ce que vous dites de notre extraordinaire soirée au Lido, après la mémorable soirée chez Prunier… ce que nous avons dit… et, surtout, ce que nous n’avons pas su nous dire… ».

On joint :
- 3 brouillons de lettres de Green à Gide (deux manuscrits et un long tapuscrit ; Baltimore et Paris, années 40) d’argument littéraire.
- un document imprimé intitulé « Moyens d’entraînement au travail » et « Moyens matériels, tous douteux », extraits de son Journal (notes de l'année 1894)
- une lettre autographe signée de Catherine Gide à Julien Green.

(Estimation : 6000-8000 €)

Quatre photographies seront aussi en vente :



Lot 106
GIDE André
Petite photographie (env. 7 x 7,5 cm) sous verre (12 x 11 cm), tirage postérieur, mais ancien, d’une photo de jeunesse par Albert Démarest. Vers 1889/90. Annotée au dos par Julien Green « André Gide en 1891 – donné par Jean Denoël peu de temps après la mort de Gide » et,  au-dessous, de la main d’Eric Green : « Collection J. G. ».

(Estimation 400-500 €)




 



Lot 107
GIDE André
Beau portrait mi-buste, de trois quarts, 
vers 1934. 18 x 12,5 cm. Annotée au dos par J. G. : 
« Gide - photo prise par Stoisy Sternheim » (1883-1971). 
Tirage ancien.

(Estimation 400-500 €)






 
 

108
GIDE André
Très grande photographie des années ’30. magnifique portrait de face.
33 x 24,5 cm. Tirage ancien, aucune mention de l’auteur du cliché.

(Estimation :500-600 €)





Et au lot numéro 116 touchant à François Mauriac, parmi les six photographies proposées : Gide et Mauriac (en « 1949… à l'hôtel du Roi René à Aix-en-Provence – photo Mme Mauriac)


Gide est encore au cœur de nombreuses lettres de la volumineuse correspondance mise en vente. Signalons :


- la correspondance avec sa sœur Anne Green (« … I have been reading Gide’s diary which I shall use in one of my lectures on Journaux littéraires (the others being Barrès and Renard) and feel depressed, in consequence although I can’t quite make me why ; I suppose that if I could, I would know what kind of person Gide really is, which I don’t (and who does ?)… »). « … It takes me, sometimes, several days to prepare a fifty minute talk, as I have to re-read volumes after volumes of Barrès, Gide and Bloy, to say nothing of Péguy, but is helps me too. There is nothing like explaining a subject to others for making it clear in one’s own mind, and I don’t regret my effort… Yesterday I lectured on Gide’s diary, that depressing book, and made a special point, there being two nuns in the audience, to read some very disagreeable passages about Catholics in order to make his position quite clear, but there are other passage too, surprizingly numerous, where he talks about religion with reverence… Already in my talk on Péguy I spoke in a low voice of ‘l’ épouvantable scandale que représente la persécution des Juifs’… »)

- la correspondance avec Robert de Saint-Jean (« 1942. Green est à Baltimore ou à Camp Ritchie dans le Maryland, Saint Jean à New York ou à Chicago. « … La lettre de Gide est des plus curieuses. Il me dit, sans commentaires, que Fernandez, Chardonne, Drieu, Jouhandeau et un cinquième dont il ne sait plus le nom, ont fait un voyage aux frais d’Adolf à Berlin et à Prague d’où ils sont revenus ‘charmés’. Il me demande… ‘Robert de S. J. est-il près de vous ? Ah ! que… mais patience’… Ceci après une phrase où il me dit son ‘affection toujours, inaltérablement, vive et entière’. Ces points de suspension m’agacent un peu… Le mot important est : patience, qui veut dire, selon moi, tenons bon, Hitler va perdre. Il me dit aussi… ‘L’unité de ton de la presse ne doit pas vous tromper’. Et aussi ‘Le niveau intellectuel et surtout moral, est tombé bien bas’. C’est la lettre d’un homme découragé, fatigué… »)

- et encore les correspondance avec Georges Duhamel (Après la lecture du Journal V : « …certains portraits son admirables. Je trouve... celui de Gide irritant et terrible – terrible pour lui... »), Jean Paulhan (qui sollicite un texte sur Gide « … pour l’hommage qui fera revivre la N.R.F., l’espace au moins d’un numéro… Notre hommage prend de plus en plus allure de témoignage. Pas du tout, ou peu, de ‘grande critique’. Mais des ‘J’étais là, j’ai vu ceci... », Cocteau, Lacretelle, Montherlant (querelle sur l'opinion de Gide sur Montherlant évoquée dans le Journal de Green...), Morand, Guy Dupré...



JULIEN GREEN
Un siècle d’écriture
Manuscrits, lettres, photographies, souvenirs
Vente dimanche 27 nov. 2011 à 14h00
Hôtel d’Angleterre
17, Quai du Mont-Blanc, 1201 Genève
Expositions publiques :
Vendredi 25 et samedi 26 novembre de 10 heures à 19 heures
Dimanche 27 novembre de 10 heures à 12 heures
 Plus d'informations et catalogue en ligne sur le site Pierre Bergé & Associés.

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