mercredi 29 décembre 2010

"Jacquot adapte Gide avec fidélité. Sans plus."

Critique de Télérama n°3181 du 1er janvier 2011 :


ELEGANT
Honnête faussaire
Jacquot adapte Gide avec fidélité. Sans plus.

S'il n'avait pas lu Les Faux-Monnayeurs à l'adolescence, Benoît Jac­quot n'aurait sans doute jamais fait de cinéma. Ce livre foison­nant lui a offert des histoires pour toute une vie. Que le ro­man d'André Gide, publié en 1925, soit réputé inadaptable a été pour lui une raison supplé­mentaire de s'y coller, des an­nées plus tard, par goût de la « contradiction ». Le cinéaste italien Luigi Comencini s'y était cassé la plume dans les années 1950, avant que Marc Allégret, compagnon de Gide, ne s'y essaye à son tour, en vain. C'est un livre impos­sible (comme le sont A la Re­cherche du temps perdu, de Marcel Proust, ou Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdi­nand Céline, sur lesquels tant de réalisateurs ont achoppé). Un roman aux histoires mul­tiples, savamment imbriquées, superposant les niveaux de lec­ture (récit d'initiation, critique de la bourgeoisie, réflexion en abyme sur le réel et sa repré­sentation).

Il y a quelques années, Benoît Jacquot est tombé par hasard sur le projet d'adaptation de Marc Allégret. Ce fut le déclic : « II avait transposé l'intrigue dans les années 50, s'était laissé impressionner par la construc­tion en abyme. Selon moi, ça ne marchait pas. » Jacquot propo­se à France 2 l'option inverse : aucune trahison, mais le texte respecté à la lettre, dans ses deux ou trois histoires princi­pales (il évacue le personnage de Strouvilhou et l'épisode du trafic de fausse-monnaie). « J'ai eu le sentiment qu'il ne fallait pas fétichiser les procédés de Gide, certains effets de mo­dernité devenus tarte à la crè­me ou désuets. Pour restituer le charme général du roman, j'ai travaillé par soustraction, plu­tôt que par addition. » On retrou­ve ainsi les grands épisodes du livre - filmés avec une élégan­ce un peu froide - sans retrou­ver forcément le souffle qui le traverse. Jacquot soutient que « c'est un film personnel, que Gi­de aurait beaucoup aimé ». S'il reste très fidèle au roman, le cinéaste s'est offert plus de li­berté dans le casting. Pour in­carner les lycéens Bernard et Olivier, censés avoir 16 ans, il a choisi des comédiens qui en paraissent plutôt 14, accentuant la dimension sulfureuse du ré­cit et faisant clairement bascu­ler la relation ambiguë entre Olivier et Edouard du côté de la pédophilie. Benoît Jacquot s'en défend : « Le trouble aurait été plus fort, voire obscène, avec des comédiens plus âgés. Là, nous restons vraiment dans un désir non formulé. Dans une attirance qui tient à la fois de l'étrangeté et de l'angélisme. » On ne pose pas facilement des visages sur des mots. Sur ce point, le texte de Gide gardait l'avantage du flou. ERWAN DESPLANQUES

(cliquez pour agrandir)

lundi 27 décembre 2010

Mercredi 5 janvier à 20h35

C'est finalement mercredi 5 janvier à 20h35 que France2 diffusera l'adaptation des Faux-monnayeurs par Benoît Jacquot. Des extraits sont à découvrir avec l'interviou du réalisateur et de l'acteur principal Melvil Poupaud dans la nouvelle page des documents vidéo.




Le site du Cercle Gallimard de l'enseignement reprend aussi quelques propos intéressants de Benoît Jacquot et Melvil Poupaud :

Adaptations d’Henry James (Les Ailes de la Colombe, La Bête dans la jungle), de Marivaux (La Vie de Marianne, La fausse suivante), de Benjamin Constant (Adolphe), de Pascal Quignard (Villa Amalia), etc., fictions originales (Sade, Le Septième ciel…), documentaires (Jacques Lacan…), l’œuvre cinématographique multiforme de Benoit Jacquot est tendue entre classicisme et modernisme, travaillée par le réel, la littérature, le désir, l’inconscient. Elle compte une trentaine de longs métrages pour le grand écran et la télévision. Le dernier film de cinéma de Benoit Jacquot, Au fond des bois, est sorti en octobre 2010.

Pourquoi Les Faux-monnayeurs ? Pourquoi à la télévision ?

Benoit Jacquot :Les Faux-monnayeurs est sans doute l’un des tout premiers films que j’ai voulu faire. J’ai lu le roman très jeune, à l’âge de ses jeunes protagonistes, au moment où je me suis mis en tête que je serais cinéaste et rien d’autre. C’est même un désir qui m’a pris en le lisant, je crois. Bien que Gide, à ma connaissance, n’en ait jamais parlé, il y a quelque chose de feuilletonesque dans Les Faux-monnayeurs. Sur un mode extrêmement retors et complexe. Des rebondissements, des personnages qui se cherchent, qui se trouvent, qui se perdent…, qui constituent un monde en soi, vivant selon un temps qui est celui du roman. À certains égards, il y a quelque chose de balzacien. L’idée est restée en moi, à l’état latent, réapparaissant de temps à autres, et ce n’est finalement qu’il y a une dizaine d’années que j’ai commencé à penser sérieusement avec un ami producteur à monter ce projet pour le cinéma. Nous nous sommes vite rendu compte que nous aurions un mal de chien à le faire aboutir, pour diverses raisons liées au commerce cinématographique et dont la moindre n’était pas la question de la durée, puisque j’imaginais alors un film bien plus long qu’il ne l’est aujourd’hui. Ce n’est pas impossible au cinéma mais c’est rare parce que c’est risqué. Mais, au fond, cette impasse m’a beaucoup servi en me permettant d’identifier ce qui pouvait être problématique dans cette… j’ai horreur du mot « adaptation », disons dans le fait de transformer ce roman en film. Plusieurs cinéastes en ont rêvé, certains sont même allés très loin, comme Luigi Comencini. À la Gaumont, durant les « années Toscan », on y a beaucoup réfléchi. Généralement, cela provoque un grand enthousiasme avant de buter sur des écueils qui visiblement dégonflent tout. Enfin, il y a quelques années, une amie m’a montré les tapuscrits d’un projet d’adaptation des Faux-monnayeurs pour Marc Allégret, qui a été comme on sait à la fois un cinéaste renommé et l’intime de Gide. Lisant cela, qui avait beaucoup d’intérêt mais était totalement impraticable, j’ai senti la corde se tendre de nouveau. Ce qui s’est accompagné de deux décisions : proposer ce film à la télévision et m’attaquer seul au scénario. « Attaquer » est le mot juste parce que j’y suis allé brutalement, c’est-à-dire que j’ai fait des gestes qui peuvent sembler discrets à présent mais qui, sur le moment, étaient violents. J’ai « rechronologisé » le roman, laissé de côté des pans entiers de l’histoire, des situations, des personnages. J’ai tenté de « linéariser » sans perdre le feuilleté de l’écriture de Gide. La fameuse mise en abyme, qui retient beaucoup les commentateurs, j’ai essayé de ne pas la fétichiser, de ne pas la considérer comme incontournable, mais plutôt de donner un équivalent du monde des Faux-monnayeurs.

Le « monde des Faux-monnayeurs », c’était cela, votre « hypothèse de cinéma » – pour reprendre une expression que vous avez employée récemment pour parler de votre dernier film, Au fond des bois –, davantage que l’aspect formel du roman ?

Benoit Jacquot : Ce n’est pas tant le geste littéraire que la mise en place très particulière, unique, singulière d’un univers qui m’a touché en tant que lecteur et qui pourra sans doute en toucher beaucoup d’autres, longtemps encore. Ce qu’on appelle la modernité des Faux-monnayeurs est pour moi un peu une tarte à la crème, un lieu commun, un cliché académique. Ça s’enseigne dans les écoles et c’est sans doute très amusant mais je ne crois pas que ce soit ce qui fait la force et la pérennité de ce livre. C’est plutôt, il me semble, cet aspect constamment paradoxal, notamment dans le fait que tout y est en même temps singulier et universel, et ce monde qui se constitue, à la fois naturel et concerté, qui est pour un cinéaste une gageure immédiate et un horizon de cinéma très favorable à la conception et à la fabrication d’un film. Et puis, disons-le, il y a au fond pour moi un charme inaltérable, comme un parfum qui demeure, très capiteux, un peu vénéneux et en même temps parfaitement supportable, en tout cas propice à ce que j’aime montrer au cinéma.

Ce monde, on peut l’entendre au sens social, voire géographique (avec des lieux, des déplacements, des détours…) mais aussi dans un sens affectif : il y a chez Gide l’utopie d’affinités et de configurations sentimentales qui viendraient non pas s’opposer frontalement mais perturber les agencements familiaux…

Benoit Jacquot : Les Faux-monnayeurs est le roman des perturbations familiales. D’autant plus efficaces qu’elles sont discrètes. Et qu’on a le sentiment que ce qu’on voit là, qui appartient au romanesque, existe, peut exister pour tout un chacun dans sa vie. Qu’il y a à côté de l’ordre social institué – aimable ou détestable, mais souvent détestable – un autre ordre qui le redouble et qui, lui, est délicieux, séduisant et donc troublant. Nous ne cessons tous, hommes, femmes, jeunes, vieux, au cours de notre vie, de passer d’un ordre à l’autre. C’est très convaincant chez Gide et, j’espère, dans le film.

Ça l’est d’autant plus que cela rejoint une constante de votre cinéma, au fond moins préoccupé par les sentiments que par le désir…

Benoit Jacquot : Les sentiments m’intéressent, évidemment, ne serait-ce que parce que, comme tout un chacun, j’en éprouve. Mais ce que je cherche avant tout quand je fais un film, c’est à montrer au sens fort les différences entre ce qu’on pense et ce qu’on fait, entre ce qu’on fait et ce qu’on dit, entre ce qu’on désire et ce qu’on demande…, tous les écarts possibles de la vie mentale et désirante. Et à construire des situations objectivées – dans la mesure où cela passe par une caméra – selon ce mode-là, les écarts constants de soi-même à soi-même, de soi-même aux autres, et du coup les rapprochements possibles, inattendus, surprenants, vivants.

Dès les premières minutes du film, la voix off d’Édouard met en garde : « Rien n’est plus difficile à observer que les êtres en formation. Il faudrait pouvoir ne les regarder que de biais ». Et comment les filmer, alors ?

Benoit Jacquot : Cette « formation », qui est l’un des objets de ce roman, il me semble qu’elle est encore davantage, par nature, et même ontologiquement l’objet du cinéma. Le cinéma est pratiquement fait pour cela : saisir 24 fois par seconde ce qui est en train de se former. Et la jeunesse est par définition ce qui est en formation…

Le choix des jeunes comédiens était un enjeu important pour ce film…

Benoit Jacquot : Très important. Comme on fait couramment, j’ai chargé des assistantes de faire des recherches puisque, par définition, il s’agissait de visages peu connus. J’avais donné quelques caractéristiques assez vagues. Pour l’âge, entre 14 et 18 ans. J’ai donc vu pas mal de comédiens impétrants et il se trouve que ceux qui me semblaient les plus proches en terme de justesse par rapport à ce que je laissais deviner de leur rôle étaient les plus jeunes. C’est ainsi, je ne l’ai pas voulu. Mais cela m’a posé une question : quel effet de représentation cela allait-il produire que des personnages sensés avoir au minimum 15 ou 16 ans soient incarnés par des comédiens qui avaient à l’époque un an de moins – et, à cet âge, c’est considérable –, c’est-à-dire de faire interpréter des adolescents par des préadolescents ? Assez vite, conforté par les avis que je demandais, il m’a semblé que ce côté « en formation » apparaîtrait avec toute sa force si les personnages étaient non pas des adultes à l’état adolescent mais bien des adolescents en voie de devenir adultes. Là, pour le coup, l’effet était frontal, sans oblicité. Mais, après tout, j’ai passé mon bachot à 15 ans, alors pourquoi pas ? C’est après, comme il arrive souvent, que je me suis dit que ce parti pris induisait l’idée d’un seuil. La voix n’est pas encore posée, le corps n’est pas encore adulte, comme s’il y avait cette possibilité de revenir en arrière, à l’enfance. Et c’est quelque chose qui, pour Édouard – en vérité un double de Gide – est immédiatement un objet de pensées et de sentiments.

La jeunesse, c’est ce qui érotise Gide…

Benoit Jacquot : C’est non seulement la jeunesse mais, au-delà – et je ne cherche pas à édulcorer les choses – la jeunesse du monde. Comment faire pour que le monde reste jeune, ou plutôt le devienne, alors qu’il est si vieux. Cela inverse et trouble l’ordre des choses. Ce désir de jeunesse, il le cherchait certainement chez les autres mais aussi dans l’écriture. C’est très sensible dans Les Faux-monnayeurs, mais aussi dans L’Immoraliste : un homme déjà âgé, à l’occasion d’un voyage, découvre la jeunesse comme un trésor. Toujours caché et toujours à trouver. Cela me touche d’autant plus que, à mon sens, Gide s’est toute sa vie vécu en ancien. J’ai séjourné il y a très longtemps à Taormina où un maître d’hôtel m’a raconté avoir vu Gide, à la fin de ses jours, passer des heures à regarder la mer en répétant : « Je suis au fond un vieux Grec ». Il y a tout cela chez lui : d’une part l’ancienneté du monde, l’aspiration au classicisme ; d’autre part la jeunesse en devenir et le désir de troubler. Maurice Sachs, qui l’a fréquenté, a très justement écrit dans Le Sabbat : « Heureux Gide dont le professeur parlera en classe et dont on cachera les livres sous le traversin ». C’est ce que j’ai essayé de faire vivre et vibrer dans ce film. C’est risqué parce qu’on peut aussi bien tomber dans un académisme qui oublierait le trouble que dans un trouble qui manquerait de tenue. Bon, il se trouve que, pour Gide, ce trouble est lié à ce qu’on appelait dans l’Antiquité la philia, l’amitié vraie, avec un caractère pédagogique fort, c’est-à-dire que cela se joue d’une génération à l’autre, le plus souvent entre personnes du même sexe, et plutôt entre hommes. Cela, c’est son affaire. Il me suffit que cela renvoie à une universalité du sentiment, du désir et de l’affinité en général.

Les jeunes comédiens que vous avez dirigés, qu’avaient-ils à savoir de l’ambiguïté ?

Benoit Jacquot : Il ne fallait surtout pas qu’ils la connaissent. Qu’ils la ressentent, très bien, mais que cela reste un non-dit, comme quelque chose en plus dont on n’a pas à s’occuper. Il fallait qu’ils soient dans le même état d’esprit qu’Olivier et Bernard, qu’ils ne voient que le lien, le sentiment, la façon d’être, qu’ils n’aient pas sur eux-mêmes et sur leurs personnages un regard adulte, le regard de l’individu définitivement « encoquillé » dans sa carapace. Qu’ils soient toujours dans cet état de porosité au monde et de vulnérabilité qui est le propre de ces garçons et qu’Édouard catalyse d’une façon que les « encoquillés » appelleraient de la perversion. Justement, cela n’en est pas. Aujourd’hui, on voit les ravages du discours psy. Pas un homme, pas une femme sortant du moule qui ne soient dits pervers et hystérique. Nous voilà bien lotis. Avec Gide, ça ne marche pas.

Cela signifie que l’ambiguïté est moins dans ce que vous montrez que dans le regard du spectateur ?

Benoit Jacquot : Probablement. Mais ce n’est pas tout à fait ça, encore. D’après moi, à condition de montrer vraiment, on ne peut montrer que de l’ambigu. L’ambiguïté, c’est le monde même. Chaque chose sert à ci et à ça. Et on ne fait ci qu’en ne faisant pas ça. Il suffit de poser sa caméra devant le monde pour que l’ambigu rapplique au galop. À cet égard, je me sens proche de Gide.

Propos recueillis par Christophe Kechroud-Gibassier

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Enfant prodige du cinéma français (il débute à 10 ans dans La Ville des pirates de Raoul Ruiz), égérie des grands auteurs (de Jacques Doillon à Arnaud Despleschin, de François Ozon à Eric Rohmer), Melvil Poupaud tourne pour la deuxième fois sous la direction de Benoit Jacquot, seize ans après La Vie de Marianne (diffusé sur Arte).

Benoit Jacquot dit qu’il n’aurait pas fait Les Faux-monnayeurs sans vous. A-t-il été difficile de vous convaincre ?

Melvil Poupaud : Avec un réalisateur comme lui, on sait que l’on peut s’embarquer en toute confiance. Il a une telle rigueur, une telle discipline, une telle maîtrise de son art, que le doute n’est pas permis. On sait d’avance que les meilleures conditions seront réunies, en termes de temps de travail, de qualité des équipes, de disponibilité. Je trouve que le film est très beau. Il porte pleinement la marque de Benoit Jacquot tout en reflétant parfaitement l’œuvre d’André Gide. Je dois avouer que je n’avais jamais lu Les Faux-monnayeurs et j’ai été séduit par le livre autant que par le rôle, assez différent de ce que j’avais pu faire jusqu’à maintenant. Et puis, personnellement, je trouvais intéressant de devoir incarner un écrivain, un personnage “emblématique”. C’est l’avantage de jouer un “classique”. A chaque scène, on a conscience de travailler avec une certaine mémoire littéraire, comme si l’on entrait physiquement dans l’imaginaire collectif. D’un coup, on se retrouve dans une scène que tous les gens ont lue, rêvée, fantasmée. Il y a là quelque chose de l’ordre de l’effet spécial… Un vrai bonheur.

Comment avez-vous élaboré le personnage d’Édouard ?

Melvil Poupaud : Il est l’alter ego de Gide, sans être tout à fait lui. Il fallait trouver un moyen de construire ce personnage à mi-chemin entre la réalité et la fiction. J’ai ressenti le besoin de m’inspirer d’éléments de la vie de Gide, de regarder ses photos par exemple ou de lire ce qui a été écrit à son sujet. Les costumes créés par Christian Gasc, grand costumier de théâtre, d’opéra et de cinéma, ont été d’un grand secours pour nourrir le personnage, pour retrouver une silhouette qui devienne une source d’inspiration. Mais j’ai aussi construit mon « modèle », comme je le fais souvent pendant un film, en observant le réalisateur. Je ne peux m’empêcher de penser que Benoit Jacquot s’identifie un peu, lui aussi, à la figure de l’écrivain. Et puis, inutile de préciser que, en plus du scénario proprement dit, le roman constituait un “dossier” inestimable pour aborder chaque scène, pour savoir, sous la plume extraordinairement délicate de Gide, ce qui se passait dans la tête d’Édouard, comment il évaluait ses interlocuteurs ou ce qu’il pensait d’une situation. Y a-t-il eu d’autres « sources » ? Benoit Jacquot m’a également conseillé de me nourrir de la relation que j’ai eue, adolescent, avec le critique Serge Daney. Il a été pour moi, à sa façon, une sorte d’oncle Édouard, un mentor bienveillant, qui m’aidait à faire mes devoirs, qui m’envoyait des cartes postales, qui me transmettait son goût pour l’art, etc. Voilà des images mentales qui servent à se construire soi-même au travers du personnage.

Le roman d’André Gide est notamment célèbre pour sa référence permanente à l’écriture. Dans le film, cette mise en abyme passe principalement par votre rôle et votre jeu intérieur…

Melvil Poupaud : J’ai remarqué tout de suite, sur les photos d’André Gide, son petit sourire, comme un regard à distance sur le monde, comme si, en permanence, il réfléchissait à ce qu’il était en train d’écrire. D’une certaine manière, il met en scène ce qu’il vit. Il fallait donc intégrer cette intériorité, ce regard actif sur son entourage. Les Faux-monnayeurs constitue une étonnante galerie de portraits au masculin. A chaque fois qu’il est confronté à un homme, Gide le décrit avec beaucoup de tendresse, mais sans aucune complaisance. On sent qu’il se montre toujours curieux de ceux qu’il rencontre. Il y a dans le roman une sorte de quête du masculin, à différents âges, dans différents milieux, avec cette fascination pour la jeunesse. Qu’est-ce que cela signifie être un homme, être fidèle à l’adolescent qu’on a été ? Le roman décline ainsi toutes ces incarnations de la masculinité et je voulais que mon personnage reflète cette quête, que l’on voie un écrivain qui soit simultanément en train de vivre et en train de travailler. Même s’il est observateur, Édouard vit vraiment les choses, il ne voile pas ses sentiments, il s’implique dans chaque relation. Il est toujours en train de vibrer. C’est cette vibration qu’il fallait traduire. Et c’est, au fond, ce que je préfère, chez les acteurs : quand on les entend penser.

Comment Benoit Jacquot dirige-t-il ses acteurs ?

Melvil Poupaud : Tout son cinéma est quand même axé sur une certaine présence des acteurs… Une fois qu’il vous a choisi, Benoit Jacquot vous fait une entière confiance. Sur le tournage, nous nous sommes même lancés une sorte de challenge : ne garder que la première prise. Ce pari donne une certaine puissance à chaque scène, dans le sens où il n’y aura pas d’autre choix possible et que le montage devra à tout prix valoriser ladite prise, avec ses hésitations, ses accidents éventuels. Un tel défi n’est envisageable que grâce au talent de Benoit Jacquot et à la qualité de ses techniciens. En tant qu’acteur, on se sent alors porté. Cette tension – cette excitation plutôt – crée, paradoxalement, des conditions très confortables.

Quels ont été vos rapports avec les deux jeunes comédiens ?

Melvil Poupaud : Face à eux, je me suis retrouvé, moi qui depuis mes débuts au cinéma ai plutôt l’habitude d’être le plus jeune de l’équipe, dans la peau de l’aîné expérimenté. Une première pour quelqu’un qui, je dois bien l’avouer, a un peu de mal, dans la vie, à se considérer comme adulte ! J’ai été un peu surpris, au départ, de voir que Jules Angelo Bigarnet (Bernard) et Maxime Berger (Olivier) étaient si jeunes par rapport à leur rôle. Mais chaque jour de tournage m’a confirmé combien les choix d’Antoinette Boulat, la directrice de casting, et de Benoit Jacquot étaient justes et pertinents. Jules Angelo a ce côté mature, frondeur. Maxime est plus doux, plus fragile, tout en ayant cette morgue dans le regard. Entre nous, il y a eu ainsi une vraie alchimie qui a pu judicieusement nuancer le caractère trouble de la relation entre nos personnages.

Justement, comment avez-vous abordé cette ambiguïté ?

Melvil Poupaud : J’aime, face à un film, que le spectateur soit actif, que les choses ne soient pas données d’un bloc. Là, comme dans le roman, il fallait jouer sur une frontière : favoriser l’ambiguïté sans pour autant l’appuyer. Quand, à l’église, Édouard saisit la main d’Olivier, son attitude peut bien évidemment être considérée comme ambiguë. Mais on peut y voir simplement un geste affectueux.

Vous êtes un acteur réputé pour l’exigence de vos choix. Que représente pour vous cette deuxième expérience à la télévision, après La Vie de Marianne de Benoit Jacquot ?

Melvil Poupaud : Si j’ai fait du cinéma, c’est par fascination pour l’art. Je ne choisis pas un rôle en fonction de l’hypothétique carrière, commerciale ou non, du film mais parce que celui-ci est porté par un auteur – que ce soit Raoul Ruiz, Éric Rohmer, François Ozon, Arnaud Despleschin ou bien sûr Benoit Jacquot – qui s’y investit pleinement et qui y croit. Ensuite, que le film soit destiné à une salle de cinéma ou à une diffusion en prime time sur France 2 m’importe peu. Ce qui compte, c’est que la qualité soit là. Avec Les Faux-monnayeurs, Benoit Jacquot a réalisé un film qui trouve parfaitement sa place à la télévision publique, ne serait-ce que par sa dimension « patrimoniale », mais c’est une œuvre à part entière qui, à mon sens, est au-delà du cinéma et au-delà de la télévision.

Propos recueillis par Cyrille Latour

samedi 18 décembre 2010

Livres et estampes...



La seconde édition de la Biennale SUDestampe se déploie cette année de Nîmes à Octon dans l’Hérault, en passant par Uzès où jusqu'au 31décembre le musée Georges Borias d’Uzès présente dans sa salle consacrée à André Gide un ensemble de portraits gravés de l'auteur ainsi que des œuvres accompagnant ses écrits. Aux côtés des œuvres signées Marie Laurencin ou Pierre Bonnard, les artistes contemporains Florence Barbéris, David Maes et Jean-Charles Legros apportent leur lecture. Ils ont accepté de présenter ici leur travail et de nous en dire quelques mots.

Peintre et graveur d'origine canadienne, David Maes accorde dans son travail une grande part à la nature humaine. « J'essaie de chercher comment rendre visible ce que je vois du vivant, sans pour autant me limiter à l'apparence. Il s'agit plutôt de faire appel au ressenti », déclarait-il récemment pour une exposition qui lui est consacrée jusqu'au 16 janvier à Issoire. Quant à Uzès : « SUDestampe m'a demandé de faire quelque chose autour d'André Gide en juin », se souvient David Maes.


  Avec la permission de l'artiste © David Maes - ADAGP Paris 2010


« L'idée m'intéressait et j'ai passé une partie de l'été à lire son autobiographie, Si le grain ne meurt », poursuit-il. « Je dirais simplement que la lecture de ce livre m'a inspiré une image dans laquelle j'ai tenté "d'exprimer" sa passion pour l'Algérie et son désir d'aborder, avec le maximum de franchise, son homosexualité. Je suis curieux de savoir comment les "fans" de Gide regardent cette gravure que j'ai pu réaliser en hommage à ce grand monsieur...»

Florence Barbéris, gravures à partir du Prométhée mal enchaîné


Déployant les matières riches qui caractérisent son œuvre aux frontières de la forme et du mouvement, Florence Barbéris signe pour cette exposition « des gravures à partir du livre Le Prométhée mal Enchaîné et un petit livre « voyages avec André Gide » sous forme de recueil de cartes postales composé de 7 textes extraits des Nourritures Terrestres (éditions Gallimard, 1917-1936, avec l'accord de Catherine Gide) illustré de gravures et tiré en 10 exemplaires et un hors-commerce aux éditions di Palma à Aubais, numérotés et signés. »



Florence Barbéris, Voyage avec André Gide
(ci-dessus et ci-dessous)




L'exposition présente également une œuvre de Jean-Charles Legros. Elle s'achève le 31 décembre au Musée Borias d'Uzès mais la biennale se poursuit dans de nombreux autres lieux jusqu'au 27 février 2011. Retrouvez plus d'informations sur le site de SUDestampe.

 Jean-Charles Legros, Proverbes de l'enfer (livre d'artiste)


Livres et estampes autour d’André Gide, du 23 novembre au 31 décembre 2010
Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 17h jusqu'au 31 décembre. Fermé le 25 décembre.
Entrée : 3 euros - Groupes : 1,50 euro / personne - Gratuit pour les scolaires.
Visites guidées : sur réservation.
Musée Georges Borias, ancien Evêché, 30 700 Uzès. Tél. 04 66 22 40 23.

lundi 13 décembre 2010

Colloque Jean Amrouche samedi 18 décembre

Belle illustration du colloque
signée Farid Belkadi (connu sous le pseudonyme d'Azal)




L'Association de Culture Berbère organise un colloque autour de Jean El Mouhoub Amrouche samedi 18 décembre à partir de 14h à son siège parisien, 37bis rue des Maronites, Paris 20e. Extrait de la présentation du programme à télécharger sur le site de l'ACB :

Alors que l’Algérie est plus que jamais confrontée à son rapport avec les marges, l’altérité, sa part de différence, et ses difficultés à l’assumer, Jean El Mouhoub Amrouche fait retour par son caractère duel, sa personnalité composite : la famille Amrouche occupa la place de l’entre-deux identitaire et culturel, renégate pour la communauté dont elle était issue, jamais assez française et totalement intégrée pour la communauté qu’elle avait désiré rejoindre. Jean Amrouche, qui ne se faisait aucune illusion sur sa place dans l'Algérie indépendante et se savait condamné par l’Histoire, le prédisait durant la guerre de libération nationale : « Notez bien qu’il se peut que les Algériens dans l’avenir soient collectivement ces hybrides culturels que je représente ».

Est-il temps en 2010 de reconnaître enfin l’héritage légué par Jean Amrouche, cette arche d’alliance, ce pont jeté entre deux communautés dont il désira préserver les liens alors que la haine submergeait les deux camps ? Est-il temps en 2010 de réintégrer pleinement Jean Amrouche dans la mémoire culturelle et historique de l’Algérie et de légitimer ses différentes dimensions : poète, critique, éditeur, homme de radio, journaliste, militant politique ?

Cette rencontre entend mettre à l’honneur ces différentes facettes de l’homme d’ouverture qu’était Amrouche, et sa capacité à révéler la part d’altérité de chacun, en suivant deux axes : l’accoucheur des autres, et la voix au service de son peuple. Amrouche fut bien ce précurseur de l’interrogation identitaire actuelle et cet homme universel, selon la célèbre formule : « L’universel, c’est le local moins les murs ».

Programme du colloque
Cconçu et élaboré en collaboration avec Hervé Sanson :

Mot de Slimane Amara, Président de l’ACB
Présentation du colloque par Arezki Metref

Michel Carassou : « Amrouche, éditeur et critique »
Éditeur, directeur des éditions Non lieu, ex-Paris Méditerranée
Il a édité Le journal de Jean Amrouche en 2009
Spécialiste des avant-gardes littéraires

Pierre Masson : Gide - Amrouche, l’identité et son double
Professeur émérite de l’Université de Nantes, spécialiste de Gide. Il a co-établi avec Guy Dugas
l’édition de la Correspondance Gide-Amrouche, 1928-1950 (PU de Lyon, 2010)

Zineb Ali-Benali : Jean Amrouche, le poète,entre scripturalité latine et oralité berbère
Universitaire et écrivaine, professeur de littérature française et francophone à Paris 8

Abdelhak Lahlou : Poésie et enfance ou le chant profond de Jean Amrouche
Chercheur en littératures francophone et berbère

Nabile Farès : Jean Amrouche, Le livre qui manque
Psychanalyste, écrivain

Ben Mohamed : Propos d’un poète berbère sur un aîné
Poète berbère

Anouar Benmalek : Regards sur un écrivain déchiré
Romancier, journaliste, universitaire

Catherine Labbé et Belkacem Tatem
Lectures de textes de Jean Amrouche


vendredi 10 décembre 2010

Valéry dimanche sur France Culture

Une vie, une œuvre, une émission consacrée à Paul Valéry, dimanche 12 décembre de 16h à 17h sur France Culture. Présentation du site de l'émission :

"Je ne suis pas où vous croyez" - Paul Valéry (1871-1945)
par Christine Lecerf
Réalisation: Jean-Claude Loiseau


Raillé de son vivant comme le « Bossuet de la IIIe République », Valéry reste aujourd’hui encore prisonnier de l'image d’un Homme de lettres en faux-col, intellectualiste et mondain.
« Vous aimez, vous haïssez un fantôme », note Valéry pour lui-même. Car, à l’instar de son héros potentiel, Monsieur Teste, Valéry n’était personne, et encore moins l'auteur d'une œuvre achevée. Chaque matin, à l’aube, dans les 28.000 pages de ses Cahiers, ce fumeur angoissé renaissait à lui-même et au monde, pratiquant ce qu’il appelait ses exercices d’ "athlétisme dans les choses mentales et verbales."
Fils spirituel de Mallarmé, compagnon de Gide et de Breton, Valéry est bien plus proche qu'il n'y paraît de Nietzsche, de Wittgenstein ou de Benjamin.
Un Valéry matinal, nageur, amoureux fou, anarchique, plongé dans le "travail du travail", avant de retrouver, dans l'enchantement de ne jamais en finir, ce "quelqu’un" qui n’était pas lui.

Avec :
Bernard de Fallois, éditeur de Corona Coronilla, 2009
Michel Jarrety, biographe, auteur de Paul Valéry, Fayard, 2008
Jean-Michel Maulpoix, poète, auteur de Pour un lyrisme critique, Corti, 2009.
Benoît Peeters, auteur de Valéry, une vie d’écrivain ?, Impressions nouvelles, 2001.
Jean-Michel Rey, auteur de L’aventure d’une œuvre, Seuil, 1991.

Tombes Gide à Uzès : et maintenant ?


Merci à vous qui avez pris un peu de votre temps pour envoyer un message à la mairie d'Uzès où la « restructuration » du cimetière menace les tombes de Tancrède et Clémence Gide, parents de Charles Gide et grands-parents paternels d'André Gide. Et merci à ceux qui ont relayé l'information (déjà une dizaine de sites amis ou inconnus !).

Dès sa parution, ce billet en forme d'appel a également eu le mérite de provoquer une réponse des autorités locales puisque dans une lettre datée du 6 décembre, le maire d'Uzès Jean-Luc Chapon répondait enfin à l'Association des Amis d'André Gide :

« Monsieur,
j'ai bien reçu votre lettre du 20 novembre 2010, dans laquelle vous attirez mon attention sur la nécessité de conserver le souvenir de la présence de la famille Gide à Uzès, en préservant les tombes de la famille Gide au cimetière protestant.
La municipalité d'Uzès, au travers d'expositions, de conférences et d'achats au profit de la médiathèque et du musée Georges Borias, a le souci de mettre en valeur et de faire connaître les œuvres et la personnalité de Charles et d'André Gide.
Je ne peux donc que partager votre sentiment et je vous remercie de votre proposition de participer avec l'Association des Amis d'André Gide et la Fondation Catherine Gide à la préservation de ces tombes. Je ne manquerai pas de vous contacter lorsque le projet de restructuration du cimetière sera mis en œuvre. »

J'espérais une réponse rassurante, cette annonce de « restructuration » du cimetière d'Uzès est au contraire bien inquiétante. Le mot suffit à faire trembler. Il est, dans le jargon des technocrates, synonyme souvent de défiguration. Et ce petit côté « ne vous inquiétez pas, vous passerez à la caisse en temps utile » est tout de même très étonnant...

De son côté, l'un de nos lecteurs a reçu en réponse à son message à la mairie l'information suivante (lecteur chanceux puisque de mon côté, aucune réponse...) :

« Monsieur,
je tiens à vous rassurer sur le fait que les tombes de la famille GIDE seront préservées par les services techniques de la Mairie. »

Le fond du problème reste donc sans réponse. Et c'est pourquoi e-gide décide :

- de maintenir l'appel lancé dans le billet précédent. Il n'a pas pas déclenché une avalanche de messages à la mairie d'Uzès, et d'une certaine façon c'est heureux puisqu'il ne s'agit pas de harceler ses services mais de l'encourager à agir fermement en l'assurant par avance de notre soutien. Il sera aussi une façon pour les futurs visiteurs de ce blog de signaler à leur tour leur soutien à la demande de classement aux Monuments Historiques, tout en maintenant d'ici une bienveillante mais régulière surveillance ;

- de prolonger cet appel auprès des autorités culturelles municipales, départementales, régionales et nationales, et des médias régionaux et nationaux. Le Midi-Libre a déjà eu l'occasion de relayer cet appel. De même que des blogs uzétiens (ici, ou ), des sites consacrés au patrimoine funéraire, des sites littéraires (ici ou ), des sites d'information (ici ou )... Merci à tous pour ces publications !

- de lancer enfin un nouvel appel aux élus, aux citoyens et aux gidiens d'Uzès et d'Uzège pour connaître l'étendue exacte de cette « restructuration » et devenir sur le terrain nos informateurs : car au-delà de la préservation des tombes, il s'agit de savoir quel sera leur environnement futur. A quoi bon en effet protéger des tombes si leur environnement ne l'est pas et qu'elles sont à l'avenir entourées par des « monuments funéraires » modernes ?

mercredi 8 décembre 2010

Vente de livres et manuscrits le 14 décembre

Très belle vente de livres et manuscrits que la « vente 1886 » d'Artcurial le 14 décembre à 14h30 (et le lendemain pour une collection de documentation et d'objets d'art tout aussi impressionnante). Plus d'une centaine de manuscrits dont Valéry, Breton, Céline, Cocteau, Flaubert, Utrillo... Des centaines d'affiches, de belles éditions originales ou de bibliothèques célèbres, et surtout des ensembles de revues fort rares... On peut visiter l'exposition du 10 au 12 décembre, de 11h à 19h et le 13 décembre, de 11h à 17h, à l'Hôtel Marcel Dassault, 7, rond-point des Champs-Élysées à Paris. Plus d'information sur le site d'Artcurial où l'on peut aussi télécharger le catalogue.

Les gidiens apprécieront notamment les allusions de Bertin dans une lettre à Suarès, de Valéry au sujet des souvenirs d'Isabelle Rimbaud, et surtout les annotations d'Anaïs Nin dans son exemplaire du André Gide de Léon Pierre Quint. A voir aussi : une édition originale de Paludes et plusieurs portraits du photographe et réalisateur hollandais Emile Van Moerkerken dont un de Gide vers 1930. Extraits du catalogue :


Lot n°101 - André SUARÉS - M.VERDILHAN - G. COGNACQ - F. LE DANTEC... CORRESPONDANCES CROISÉES (600-800 euros)
dont :
Pierre Bertin, Théâtre du Vieux Colombier, 2 p. in-4, 1917. « Je crois être l'interprète de toute la jeunesse artistique en vous exprimant ma joie de vous unir à Messieurs André Gide, Paul Valéry. Jules Romains... qui ont acceptés [sic] de parler aussi... »

Lot n°110 - Paul VALERY - À PROPOS DE LA N.R.F. ET DE RIMBAUD, 1916 (300-400 euros)
Paris, le 27 septembre 1916. 3 p. in-8. signé P. Valéry. Très belle lettre qui montre les rapports antre [sic] le poète et les éditeurs. Est ébloui par le livre d'Isabelle Rimbaud, au sujet duquel son correspondant le consulte : « l'intérêt du texte m'a pris au point où il faut se tourner vers la source », y voit le même regard que celui de Rimbaud. A pensé que le Mercure de France pourrait être intéressé, mais songe aussi à la N.R.F, Quant aux démarches à entreprendre. « il me semble que Gide et Claudel sont dans la toute puissance ? S'ils sont d'avis de publier le livre de Mme Rimbaud, il me semble difficile qu'il ne soit pas donné suite à leur désir. Mon poids est insignifiant par rapport au leur... C'est de grand cœur que je dirai à M. Gallimard tout le bien que je pense du livre... » Le témoignage poignant d'Isabelle Rimbaud (1860-1917) sur les derniers jours de son frère paraîtra en définitive au Mercure de France en 1921 avec pour titre « Reliques ».



Lot n°241 - André GIDE – PALUDES (400-600 euros)
Librairie de l'Art Indépendant. 1895 In-8 carré, demi-maroquin à coins, vert profond. dos à 4 nerfs, titre et tête dorés, couv. cons. Vermorel. Édition originale. Un des ex. sur Hollande antique, non num. Bel exemplaire, qq. rousseurs sur les couv. et faux titres.

Lot n°242 - [GIDE] Emile VAN MOERKERKEN - PORTRAIT D'ANDRE GIDE, VERS 1930 (300-500 euros)
Tirage argentique d'époque, 11,3 x 8,3 cm. Tampon au dos : « Copyright/E. Van Mœrkerken/ Amsterdam » et « reproductie verboden ». Examiné encadré.



Lot n°280 - Anaïs NIN - 3 OUVRAGES DE SA BIBLIOTHEQUE ET CORRESPONDANCE DE SON MARI (400-500 euros)
dont :
- L. PIERRE-QUINT: ANDRE GIDE. Stock, 1932. En mauvais état, mais de la bibliothèque d'Anaïs Nin (ex-libris A.N, sur page de garde), avec passages relatifs à la psychologie soulignés («La morale conventionnelle nous incite à prendre des attitudes déformantes...») et annotations: «Write this to Edouardo !» (son cousin homosexuel, qui sera psychanalysé par Allendy). Ecrit un commentaire de 9 l. en fin de vol, « On active and passive duality » : «Everybody is dual ! No. Many people live out only one side of their nature- The other remaining passive...».

lundi 6 décembre 2010

Les tombes Gide à Uzès menacées ?

"Je retourne, seul, au petit cimetière protestant, d'où la vue est si belle, si romaine, sur la ville. Le conservateur me dit qu'il est intervenu pour qu'on dégage la tombe de Tancrède Gide (né à Lussan en 1800). Elle porte cette inscription : « Le soir venu, Jésus passa sur l'autre rive. »"
(Gide familier, Jean Lambert,
Presses Universitaires de Lyon, 2000, p.172)




Déjà en 1954 la tombe de Tancrède Gide et de son épouse Clémence avait dû être « dégagée », apprenait-on par Jean Lambert. Elle fait aujourd'hui l'objet d'une procédure de reprise et se trouve menacée (on trouvera ici une explication claire et détaillée de cette procédure).




Alertés, les Amis d'André Gide ont réagi par un premier courrier au maire d'Uzès. Sans réponse. Ils signaient un second courrier en forme de pétition lors de leur assemblée générale du 20 novembre dernier, pétition restée elle aussi sans réponse à ce jour :

« Monsieur le Maire,
Les soussignés, membres de l’Association des Amis d’André Gide, réunis en leur Assemblée Générale, avertis de la menace que fait peser sur les tombes de la famille Gide un projet de restructuration du cimetière d’Uzès, tiennent à vous exprimer leur inquiétude.
Dans le cimetière protestant d’Uzès se trouve en effet la tombe de Tancrède Gide, qui fut juge et Président du Tribunal civil d’Uzès, et de son épouse, Clémence Granier, cette tombe étant encadrée par deux autres tombes de la même famille.
Ces tombes sont en fait le dernier témoignage de la présence effective de la famille Gide à Uzès, (indépendamment des documents conservés dans la salle André Gide du musée Georges Borias), présence dont la ville peut légitimement s’enorgueillir : au nom de Tancrède Gide se trouvent associés celui de Charles Gide, né à Uzès, économiste de renommée mondiale, et celui d’André Gide, prix Nobel de littérature 1947, qui a célébré dans ses Mémoires le souvenir du berceau de sa famille.
Nous sommes bien conscients que toute ville doit faire face à des problèmes matériels incontournables. Mais dans la mesure où il s’agit là d’un mémorial dont l’importance dépasse la ville d’Uzès, et contribue à sa renommée, il semble qu’un traitement particulier devrait lui être accordé. L’Association des Amis d’André Gide souhaite vivement que des dispositions soient prises qui permettent de préserver ces tombes, en accord avec la Fondation Catherine Gide qui se dit prête à étudier avec la ville d’Uzès les conditions qui autoriseraient cette préservation.
Espérant qu’il vous sera possible de donner à cette requête un accueil favorable, nous vous prions de croire, Monsieur le Maire, à l’assurance de notre haute considération. »


Le blog e-gide a bien entendu décidé de relayer cet appel. Mais s'il semble assez simple de mettre un terme à la procédure de reprise, c'est davantage une préservation à long terme de ces sépultures et de leur environnement (deux autres tombes de la famille Gide encadrent celle de Tancrède et Clémence) qu'il faut tenter d'obtenir.

Le seul accord entre la Fondation Catherine Gide et la commune pose en effet plusieurs problèmes. Comment, alors que ces tombes sont déjà en état d'abandon, garantir leur entretien à moyen, à long terme ? D'autre part est-ce à la seule municipalité que doit incomber la charge financière de cet entretien alors qu'il s'agit d'un patrimoine qui dépasse très largement la ville d'Uzès ? D'ailleurs une commune ne peut intervenir sur une sépulture, qui relève du domaine privé.

L'exemple en 2008 des tombes de la famille Hugo à Villequier montre qu'un classement au titre des Monuments Historiques est possible et permet cette préservation à long terme. Dans le cas des tombes Hugo et Vacquerie, l'intervention du ministre de la culture de l'époque, Christine Albanel, a permis un classement en deux mois. Mais avant d'en arriver là, il est nécessaire que les autorités locales se mobilisent.

Une première réponse rassurante de la part du maire d'Uzès serait un signe encourageant. Nous l'assurons d'ores et déjà de tout notre soutien pour appuyer sa demande de classement des tombes de la famille Gide. D'ailleurs vous pouvez dès maintenant montrer ce soutien en envoyant un message à la mairie d'Uzès pour bien signifier votre attachement à la préservation de ce patrimoine unique.

Merci, dans votre message, de respecter les règles élémentaires de courtoisie et de ne faire part que de votre soutien au projet de préservation des tombes Gide à Uzès. Un commentaire ci-dessous ou un mail me signalant l'envoi d'un message serait en outre apprécié afin d'en tenir un décompte, même approximatif.


jeudi 2 décembre 2010

Une recette gidienne

Planche du très beau Retour du Tchad
de J. Alessandra (illustrations),
P. Villecroix et A. Djar-Alnabi (textes)
La Boite à Bulles, juillet 2010


Chirurgien urologue, François Desgrandchamps est aussi un passionné de cuisine et de littérature. En 2007 il compilait Littérature et gourmandise : Les plus belles recettes de la littérature française aux éditions Minerva et vient de faire paraître Lettres Gourmandes des Terres Lointaines et d'Outre Mer aux Editions de La Martinière.

A partir de textes de Daudet, Lamartine, Martin du Gard, Camus, Duras, Baudelaire ou Gide, parfois d'un seul mot ou d'une seule indication d'ingrédient, le chef-cuisinier Sophie Brissaud a imaginé des recettes que Claire Curt a photographiées. Tahar Ben Jelloun signe en outre la préface de ce volume consacré aux recettes d'inspiration africaine, antillaise, asiatique, polynésienne...

Sur son blog, Sophie Brissaud explique comment à partir d'une petite phrase anodine du Retour du Tchad, elle a imaginé une recette gidienne :

« André Gide (Voyage au Congo, 1927, pp. 140-145)* se remet d'une indisposition digestive au fil du fleuve Congo. Pendant que ses rameurs chantent les incantations nécessaires à sa guérison — ce qui l'impressionne —, on le nourrit de porridge, de riz à l'eau et d'une "délicieuse compote d'abricots (nous sortons de nos cantines ce que nous avons de meilleur) arrosés d'eau de Vichy et de Moët". J'ai immédiatement tiqué sur la cohabitation du régime et de la denrée de luxe, vichy et moët-et-chandon. L'entremets à base de riz et d'abricots que tout cela m'a inspiré se devait d'être faste. J'ai donc eu recours aux deux épices que l'on associe en Inde aux douceurs de fête. Le riz au lait est parfumé à la cardamome verte et garni d'une riche compote d'abricots moelleux étuvés au sucre, au safran et aux amandes. Pour la composition de la photo, retour en Afrique s'il vous plaît. Claire commence par choisir une très fine toile de coton dont la couleur s'harmonise avec le soleil couchant des abricots safranés. Puis elle pose le plat sur un petit tabouret malien. Nous contemplons l'effet produit. "On dirait un de ces portraits très frontaux faits en Afrique par les photographes de village, dit-elle. Le gâteau de riz pose comme un patriarche sahélien assis bien droit, digne et serein, devant sa tenture bleue." Le dessert se dote d'une personnalité. »


Le riz au lait parfumé à la cardamome verte,
compote d'abricots moelleux étuvés au sucre,
au safran et aux amandes : une recette gidienne !
(Photo de Claire Curt pour le livre)


Une recette qui n'eut certainement pas déplu à André Gide, amateur de fruits, exotiques ou non, et de confitures. Sa marotte est un temps le mélange poire-chocolat chaud, une autre fois les fruits givrés, passés aussi par goût de l'expérience dans la glacière récemment installée au Vaneau. Pendant la guerre, on le voit encore apprécier de précieuses confitures qu'il partage avec la Petite Dame dans sa chambre d'hôtel.

C'est d'ailleurs la Petite Dame qui nous dévoile dans ses Cahiers le menu préféré de Gide : pour ses 69 ans, on lui concocte un « petit dîner fin spécialement de son goût : sole frite, pintade aux marrons, ananas. » (Cahiers de la Petite Dame, tome 3, 22 novembre 1938, p. 116).



de François Desgrandchamps (conception, choix de textes et introduction)
Sophie Brissaud (recettes, description culinaire et stylisme),
Claire Curt (photographie et stylisme).
Conception graphique de Marc Walter.
Préface de Tahar ben Jelloun.
Éditions de La Martinière - Atelier Saveurs, automne 2010.


___________________________________________________

* L'extrait se trouve dans Retour du Tchad et non Voyage au Congo, au premier paragraphe du chapitre II :

« Il me semble que je vais mieux. Des vertiges encore, mais j’ai pu manger un peu, au chevet du lit de Marc, et avec lui. Porridge et riz à l’eau, avec une délicieuse compote d’abricots (nous sortons de nos cantines ce que nous avons de meilleur) arrosés d’eau de Vichy et de Moët. Après ce court repas, je me recouche. Et, tandis que j’essaie de dormir, mes pagayeurs d’arrière – six Sara que nous avions déjà à l’aller (ceux d’avant, cinq, sont des gens de Moosgoum) commencent un chant des paroles que me traduit Adoum,

Le Gouverneur il est malade.
Ramons, ramons pour aller plus vite que la maladie,
L’amener jusqu’au médecin de Logone. »

Rendez-vous en décembre

Grâce au calendrier du groupe e-gide Facebook un petit rappel des évènements qui se dérouleront dans les jours prochains :



mercredi 1 décembre 2010

Nouvelles ressources

160 documents en français et 9 en anglais sont désormais recensés sur la page des ressources en ligne. Parmi les 23 derniers ajouts, vous pourrez découvrir les "Lettres à Paul Desjardins" que les amis de Pontigny et Cerisy (parmi lesquels Alain Goulet) écrivaient pour le centenaire des décades, une étude de Elena Pellicciotti sur les préfaces de Malraux (dont celle pour les Cahiers de la Petite Dame), ou encore les très importantes thèses de Catharine Savage (André Gide: L'évolution de sa pensée religieuse) et Cyril Moulard (L'image dérobée : une esthétique du regard chez André Gide).

Vous aurez peut-être remarqué un nouvel onglet à côté de celui des ressources en ligne : une base bibliographique destinée à s'enrichir elle aussi progressivement en renseignements sur les éditions originales, les éventuelles illustrations, etc. Vos images, corrections et ajouts sont les bienvenus. D'autres onglets thématiques devraient s'ajouter par la suite, par exemple une page avec des documents sonores (émissions de radio, colloques, cours...) d'ici quelques jours et une page spéciale BAAG d'ici le mois de janvier.

Tous ces ajouts s'accompagneront enfin d'une nouvelle présentation du blog. Le 12 décembre e-gide fêtera ses trois ans. C'est très peu dans l'histoire de l'exégèse gidienne mais c'est beaucoup dans l'univers du net ! C'est assez en tout cas pour mériter un petit coup de peinture et quelques gouttes d'huile dans les rouages ici ou là... Si vous avez des suggestions ou des remarques pour cette nouvelle version d'e-gide : c'est le moment !

mardi 30 novembre 2010

Maurice de Gandillac à Pontigny

Restons encore un peu à Pontigny avec ces deux pages de l'Yonne Mag signées Nathalie Hadrbolec qui recueillait les souvenirs de Maurice de Gandillac à l'occasion de l'exposition "De Pontigny à Cerisy : un siècle de rencontres intellectuelles" de 2002.



(cliquez pour agrandir)

(cliquez pour agrandir)
 
 
 

lundi 29 novembre 2010

Gide-Desjardins : une relation sous-estimée (AG de l'AAG 3/3)

Tout comme la correspondance Gide-Blum, celle échangée entre Gide et Paul Desjardins a été saisie par les Allemands, lorsqu'ils firent main basse sur les archives de l'abbaye de Pontigny. A partir d'une vingtaine de lettres rescapées Pierre Masson proposera l'année prochaine une Correspondance Gide-Desjardins, qui fera l'objet du cahier annuel des Amis d'André Gide à paraître fin 2011.

La correspondance à proprement parler occupera un tiers du livre, et les deux autres tiers seront consacrés plus généralement à la relation de Gide avec Paul Desjardins (et avec les Heurgon qui prolongeront le dialogue). « Une relation qu'on a sous-estimée : il y a une partie « immergée » d'avant les Décades de Pontigny », souligne Pierre Masson. « Né dix ans jour pour jour avant Gide, Desjardins était un aîné proche, un repère intellectuel possible. »

Un exemplaire dédicacé des Cahiers d'André Walter, conservé par la famille Heurgon, témoigne de ce côté « grand-frère en réflexion » que Desjardins aurait pu être pour Gide. Mais dans Le voyage d'Urien le narrateur jette à la rivière Le devoir présent : par ce petit coup de griffe, Gide défend surtout Baudelaire que Desjardins juge dans ce livre d'un effet néfaste, « négatif » sur la société, contre les écrivains « positifs » au rang desquels Sully Prudhomme...

« Dans un deuxième temps, aux environs de 1906, Gide a mûri et est à la recherche d'un classicisme. Des textes de Desjardins comme Sur Poussin et Sur la méthode des classiques
vont marquer le retour de Gide qui lui enverra un tiré à part de son Prodigue et son Dostoïevski », poursuit Pierre Masson. Un « point commun mince » autour duquel s'articule désormais une relation faite d'ententes, de conflits, de méprise parfois.

« Pour Desjardins, l'œuvre doit être moralement impeccable parce qu'elle témoigne d'une vie elle-même impeccable : il va ainsi totalement se méprendre sur La Porte étroite. Et alors qu'il fait figure de représentant de la morale religieuse, Desjardins passe pour un laïc aux yeux des catholiques. Avec Gide il collabore à l'Union pour la Vérité et créé les décades de Pontigny. » C'est en 1906 qu'il a acheté, un an après la séparation de l'Etat et de l'Eglise, l'abbaye cistercienne, et c'est à partir de 1910 qu'il y organise les décades. « En 1911, la droite catholique attaque Desjardins au motif qu'il détourne les biens de l'église ! »

« Avec Desjardins rien n'est jamais simple, son comportement est agaçant car il donne l'impression d'être toujours en représentation », ajoute Pierre Masson. Desjardins doit « faire tourner » l'abbaye. « Il raisonne en hôtelier autant qu'en intellectuel. Il n'a pas de fortune personnelle et doit assurer la rentabilité de Pontigny. » Ainsi à la parution de Corydon, Desjardins est moins effarouché que soucieux de ne pas perdre sa clientèle. Des échanges diplomatiques fort amusants s'engagent : Desjardins voudrait que Gide ne participe qu'à la décade politique et non à celle concernant la morale et la religion...




Pierre Masson a donné un avant-goût de l'étude des rapports
Gide-Desjardins qui paraîtra l'an prochain

jeudi 25 novembre 2010

Signatures de l'album de famille


(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)


Jean-Pierre Prévost sera le jeudi 2 décembre à 19h30 à la Librairie Gallimard du Boulevard Raspail pour une rencontre avec signature autour de André Gide : un album de famille et le vendredi 10 décembre à 18h30 à la librairie L'Arbre à Lettres, toujours pour présenter et dédicacer ce superbe livre accompagné d'un DVD autour des souvenirs de Catherine Gide.

A signaler que Jean-Pierre Prévost a en préparation un prochain film, actuellement au stade du montage, intitulé "Gide chez Mauriac" et qui fait suite au colloque qui s'est tenu à Malagar en octobre dernier. Le film raconte la fameuse visite de Gide à Mauriac en juillet 1939, avec la participation de Jean-Claude Ragot, Pierre Thilloy, Jean Touzot, Martine Sagaert, Peter Schnyder...

Musique, Peinture, Littérature autour d’André Gide



Musique, Peinture, Littérature autour d’André Gide

Journée d’étude organisée par le Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (EA 1002)
le 7 décembre 2010 à la Faculté des Lettres et Sciences humaines, Salle 218, 29 boulevard Gergovia, Clermont-Ferrand.

Programme : 

9h00 : Accueil des participants

9h15 – Président : Peter Schnyder : 
Éric Lysøe, En guise d’introduction

9h30 : Jean Bollack, Gide, une dialectique dans l’écriture

10h30 – Président : Jean Bollack
Peter Schnyder, Gide et ses peintres
Franck Lestringant, Gide, collectionneur de Walter Sickert

14h00 – Président : Franck Lestringant
Joachim Sistig, La Topographie esthétique de l’univers musical gidien
Yvonne Heckmann, Musiques lues, musiques entendues – facettes du fait musical dans l’œuvre critique et littéraire d’André Gide

15h45 – Président : Joachim Sistig
Aliocha Wald-Lasowski, Gide au piano : le rythme chez Schumann et Chopin
Anne-Sophie Angelo, Le Roman des Faux-monnayeurs : des personnages en mode fugué

mercredi 24 novembre 2010

Gide-Blum : les lettres retrouvées (AG de l'AAAG 2/3)

C'est à la suite de l'assemblée générale des Amis d'André Gide le 20 novembre 2010 à l'Ecole Alsacienne que Pierre Lachasse a donné un aperçu de la prochaine édition de la Correspondance Gide-Blum. Une nouvelle édition alors que la précédente (Léon Blum - André Gide, Correspondance 1890-1951, édition établie, présentée et annotée par Pierre Lachasse, PUL, 2008) date d'il y a deux ans seulement ? Oui, et qui s'explique par de récentes lettres retrouvées...

« En 1940 les Allemands pillent l'appartement de Léon Blum au 25, quai de Bourbon à Paris et ses archives disparaissent. Puis Blum sera arrêté et déporté à Buchenwald. En 1945 l'Armée Rouge prend les archives de Berlin et les rapporte à Moscou. Les lettres de Gide seront retrouvées plus tard par l'un de ses biographes,et transférées en 1996 au Fonds Blum de la Fondation Nationale des Sciences Politiques », rappelle Pierre Lachasse. Ce qui lui a permis de publier dans la précédente édition 57 lettres, 33 de Blum et 24 de Gide, plus le résumé conjectural de 14 lettres fantômes.

« En septembre dernier les Russes ont envoyé de nouveaux documents aux services historiques du Ministère de la Défense, parmi lesquels on a retrouvé de nouvelles lettres qui ont rejoint le Fonds Blum. » La prochaine édition sera enrichie de 29 nouvelles lettres de Gide, soit au total 86 lettres plus 10 conjecturées. Des lettres retrouvées parmi lesquelles Pierre Lachasse donne quatre exemples :

- une lettre de voyage, datée du 7 mars 1896 à Tunis où le couple Gide est en voyage de noces et qui illustre pour Pierre Lachasse la porosité entre les genres de la lettre privée, de la page de journal et du récit de voyage à la façon des Nourritures ;

- une lettre datée du 8 janvier 1898 qui illustre l'amitié Gide-Blum, Gide écrit de Nice et déplore de n'avoir pu y trouver les Blum ;

- une lettre à teneur politique du 14 janvier 1898 dans laquelle Gide s'excuse de n'avoir pas signé une première pétition en faveur de Dreyfus. « Il me déplaisait, protestant, de faire bande avec des protestants », plaide Gide qui assure désormais son ami de son soutien au vu de la tournure des évènements de l'Affaire ;

- une lettre illustrant le Gide critique, datée du 1er mars 1908, dans laquelle Gide demande à Blum de le remplacer dans la critique du roman de Boylesve, Mon amour, au motif que celui fait l'éloge de la monogamie pour la femme et que Blum a traité du sujet avec une bien plus grande libéralité des mœurs dans Du mariage. Gide aime Boylesve mais se refuse comme toujours à faire une critique idéologique et préfère avoir le plaisir de lire ce que Blum dira de Mon amour.

« Ces nouvelles lettres de Gide à Blum, écrites avant la guerre de 14 pour la plupart, permettent de réfléchir à la frontière des genres, à la question complexe des motivations qui poussent Gide à intervenir, au problème de l'intervention chez Gide et au degré d'intimité de Gide avec ses différents correspondants », conclut Pierre Lachasse. La nouvelle mouture de la correspondance Gide-Blum devrait paraître avant l'été 2011 aux Presses Universitaires de Lyon.



Pierre Lachasse reprend la correspondance Gide-Blum
augmentée de 29 lettres rendues en septembre par la Russie



Archives de Moscou vs Caves du Vatican

Le mystère des « archives de Moscou » est également au cœur de la discussion qui suit la présentation de Pierre Lachasse lorsque Michel Drouin fait remarquer : « L'état de conservation de cette correspondance retrouvée est remarquable. D'ailleurs le degré de conservation des archives russes est inouï et il y a de fortes probabilités qu'elles contiennent encore le gros « dossier Gide » constitué lors de son voyage en URSS de 1936. »
« Il y a tout lieu de croire que ce dossier a existé : j'avais fait il y a quelques années une demande à l'attaché culturel, demande qui n'a reçu que des réponses diluées... Il y faudrait du temps et surtout de l'argent, mais c'est une des choses les plus passionnantes qui restent à explorer dans l'univers gidien. »

lundi 22 novembre 2010

A paraître en 2011 (AG de l'AAAG 1/3)

« Le public était peu nombreux, et l’excellence des amis faisait de cette cérémonie banale une cérémonie touchante. »

Pierre Masson ouvre par une allusion au second chapitre de L'Immoraliste l'assemblée générale des Amis d'André Gide. En ce samedi 20 novembre, ils sont une vingtaine seulement dans cette petite salle de l'Ecole Alsacienne autour d'un auteur à l'actualité plus brûlante que le radiateur qui ronronne pour la frime.

Enjambons les bilans, moral par le président Pierre Masson et financier par le trésorier Jean Claude, ils sont bons, et tournons-nous vers l'avenir : « L'actualité gidienne a été prolongée au-delà du centenaire de la NRF, ponctuée d'émissions de radio, de manifestations et de publications. Le centenaire de Gallimard va-t-il prolonger cette actualité ? », s'interroge Pierre Masson.

La liste des titres annoncés pour 2011 laisse croire que Gide sera encore très présent, même sans cela :

- Le Dictionnaire Gide, projet lancé il y a deux ans par Pierre Masson et Jean-Michel Wittman, devrait paraître au second trimestre 2011 chez Garnier. Un « gros livre » de 580 notices !

- De Jean-Michel Wittman toujours, un Gide politique, à partir des Faux-monnayeurs, est attendu chez Garnier.

- Alain Goulet prépare un livre sur Corydon.

- Une biographie de Gide (en deux volumes, le premier serait à paraître au printemps 2011 chez Flammarion) par Franck Lestringant. Ajout du 29/11 : Franck Lestringant co-organise également un colloque "Musique, peinture, littérature autour d'André Gide" le 7 décembre à Clermont-Ferrand, voici ici.

- Une nouvelle édition de la Correspondance Gide-Blum est aussi prévue puisque, comme son auteur Pierre Lachasse l'expliquera après l'assemblée générale, 29 nouvelles lettres de Gide ont été rendues par les autorités russes (L'intervention de Pierre Lachasse est résumée ici).

- Le cahier 2011 des Amis d'André Gide sera quant à lui consacré aux relations entre Gide et Paul Desjardins. C'est Pierre Masson qui en est l'auteur et l'annonce « pour un tiers consacré à leur correspondance, très lacunaire puisque les archives de Pontigny ont été prises par les Allemands, et pour deux tiers aux relations de Gide avec Paul Desjardins, sa fille Anne et son mari Jacques Heurgon » (Le résumé de cette intervention est disponible ici).

Un documentaire autour du Voyage au Congo serait également en préparation, tandis qu'on attend toujours la diffusion des Faux-monnayeurs de Benoît Jacquot sur France 2. Dans une récente déclaration, le réalisateur l'annonçait pour le début 2011. Ajout du 29/11 : Jean-Pierre Prévost annonce également un "Gide chez Mauriac" actuellement au montage, voir ici.

lundi 15 novembre 2010

BAAG n°168

Le Bulletin des Amis d'André Gide d'octobre 2010 vient d'arriver, avec le cahier annuel consacré à la Correspondance Gide-Amrouche (établie par Pierre Masson et Guy Dugas, aux Presses Universitaires de Lyon).

Le BAAG est disponible par abonnement et envoyé aux membres de l'Association des Amis d'André Gide.
Abonnement au Bulletin seul (4 numéros/an) : 28€ (abonné étranger : 36€ )
Cotisation annuelle (4 bulletins + cahier annuel) : 39€ (adhérent étranger : 46€)
Plus d'informations sur cette page de Gidiana.



Au sommaire de ce BAAG n°168 :

- André Gide, être en dialogue. Le corps de l'écriture dans sa permanente résurrection, de Carmen Saggiomo.

- Gide 43-44 ou Du danger de publier son Journal en temps de guerre, de Pierre Masson.
Petit complément qui aide à situer la correspondance Gide-Amrouche, publiée par le même Pierre Masson et Guy Dugas aux PUL : opérations littéraires sur le front intellectuel et manœuvres gidiennes depuis l'Afrique du Nord, agrémentées de lettres inédites.

- La famille Gide n'a pas dit son dernier mot, de Yvonne Gide.
Récit de sa rencontre avec André Gide, avec une introduction généalogique d'Alain Goulet. Yvonne Gide compare très drôlement Gide à Michel Onfray qui dans ses récents livres sur la psychanalyse freudienne et non-freudienne oublie tout de même de citer l'avant-propos de Paludes.

- Une lettre.
Lettre reçue par Catherine Gide qui témoigne de l'importance d'André Gide dans la vie d'un de ses lecteurs.

- Robert Levesque : Journal (septembre - novembre 1949)

- Les Dossiers de presse des livres d'André Gide : La Symphonie pastorale, VII (Serge Demidoff, Harry Morton, Les Treize, Louis-Raymond Lefèvre, Fernand Vandérem, Jean-Jacques Brousson, René Gillouin, Berthelot Brunet, Jacques Patin)

- Chronique bibliographique, chronique de la visite des Amis d'André Gide à La Roque-Baignard en juin 2010, par Pierre Lachasse.