mercredi 23 décembre 2009

Journal de Jean Amrouche

Jean El Mouhoud Amrouche, Journal 1928-1962
415 pages, Editions Non Lieu, Paris

Il avait le don d'agacer la Petite Dame lorsque ses parties d'échecs avec Gide se prolongeaient un peu tard et surtout lorsqu'il reprenait à son compte les analyses formulées par d'autres pour interroger l'écrivain au micro de Radio France en 1949... Souvent décrit comme «suffisant» ou «arriviste», Jean Amrouche était surtout en quête de reconnaissance, lui, l'exilé permanent, l'enfant crucifié de l'Algérie et de la France.

Le Journal de Jean Amrouche est paru aux éditions Non Lieu. Tassadit Yacine Titouh, qui avait déjà publié la nouvelle édition de ses Chants Berbères de Kabylie, a établi et présenté ce journal tiré du millier de pages que comportait le manuscrit couvrant les années 1928 à 1962. Soit trois époques de la vie d'Amrouche que Tassadit Yacine résume dans un article d'El Watan : «La première a un rapport avec la quête poétique et existentielle en Tunisie, sa première terre d’accueil, la seconde concerne son inscription dans le monde culturel en Algérie, puis en France, alors que la troisième est marquée par son entrée cinglante dans le champ politique et ses prises de position durant la guerre d’Algérie.»

Jean Amrouche rencontre Gide, avec qui il correspond depuis longtemps, à Tunis en 1942 avant de rejoindre les milieux gaullistes à Alger, où il fonde la revue L'Arche. En 1945, L'Arche devient une revue parisienne. Après avoir travaillé à Tunis-P.T.T. ou Radio France Alger, Amrouche réalise pour Radio France Paris des émissions où il invite Bachelard, Barthes, Merleau-Ponty, Morin, Starobinski, Wahl. Avec Henry Barraud, il invente un genre radiophonique nouveau : les entretiens, avec Gide (1949), Claudel (1951), Mauriac (1952-1953) ou Ungaretti (1955-1956).

Mis à la porte de Radio France en 58, il s'exile de nouveau, sur les ondes de la radio suisse cette fois, où il plaide la cause algérienne jusqu'à sa mort en 1962, trois mois avant l'accord d'indépendance. Chrétien et berbère, imprégné de culture française et défenseur de la cause algérienne, Jean El Mouhoub Amrouche sera écarté du paysage littéraire arabe (aujourd'hui encore si l'on en croit Tassadit Yacine Titouh, empêchée de parler de ce Journal comme elle le confie toujours à El Watan) et tombera peu à peu dans l'oubli dans le paysage des lettres françaises.

Gide est bien entendu très présent dans ce Journal. De 1942 à Tunis, puis du retour à Paris en 1945 jusqu'à la mort de Gide en 51, ils se rencontrent presque chaque jour pour des parties d'échecs. C'est d'ailleurs là qu'est née l'idée des entretiens radiophoniques : remplacer l'échiquier par un micro... Lors de la reprise de L'Arche à Paris, Gide, soucieux de l'accueil qu'on réserverait à Amrouche, disait de lui :


«J'étais un peu inquiet des interventions d'Amrouche, sachant que presque toujours au premier abord on le trouve peu sympathique, d'attitude un peu suffisante ; mais moi qui le connaît depuis vingt ans, je sais tout ce qu'il a de bien, et à quel point on peut compter sur lui.» (Cahiers de la Petite Dame, Maria van Rysselberghe, tome 3, p. 327)

A lire en ligne : ce site consacré à Jean Amrouche et l'article de Beida Chikhi sur Amrouche paru dans La littérature maghrébine de langue française.

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