lundi 3 août 2009

... vu par Maurice Sachs

" Par dessus tout Gide est le grand moraliste français de notre époque. C'est comme tel qu'il a suscité tant de commentaires, tant de discussions, tant de dissentiments, tant d'approbations, tant de ferveur et de révoltes.
c'est ainsi que ses écrits sont un levain puissant, et que dans la pâte lourde d'aujourd'hui, ils insufflent la naturelle, la grave et nécessaire animation.
André Gide a vivement et profondément ému son temps par sa notation de l'acte gratuit, par son essai de réhabilitation des instincts, par sa lutte ouverte contre les trahisons du christianisme envers le Christ et par son adhésion de principe au communisme auquel il est venu par amour de ce qui est présentement le plus vivant, par la tristesse que lui causait le présent état moral des Français, par sa foi dans le progrès de l'homme, par sa haine de la misère d'autrui, par son amour du Christ simple et donc, par sa détestation du christianisme conventionnel."

(Maurice Sachs, André Gide, Denoël et Steele)

L'essai consacré à Gide était pour Maurice Sachs à la fois un retour aux premières amours pour Les Nourritures et une manœuvre pour se rapprocher de Gide. Sachs rentrait des Etats-Unis. Mais la terrible réputation du terrible Sachs n'était pas près de s'éteindre... Le 17 octobre 1933, la Petite Dame note sa rencontre avec lui :

"Je voudrais aussi vous parler d'un certain Maurice Sachs, ce nom ne vous dit rien ? c'est bien long à raconter ! Il fut autrefois de la bande de se qui se convertirent en même temps que Cocteau et j'ai été assez désagréable et méfiant avec lui ; aujourd'hui il revient d'Amérique ayant fait peau neuve et je suis désireux de l'aider, j'ai promis de l'aider à entrer à Marianne. Il propose de faire pour commencer un article sur la représentation des Caves. je ne sais pas ce que ça donnera, il doit venir dans un instant, cela ne vous ennuierait-il pas que je vous l'amène ? on le ferait parler un peu !" Mais le voici déjà. Maurice Sachs, jeune, fin, simple, il fait très bien élevé; sans être gros, il est tout en chair, on ne sent ni les os ni les nerfs. Désireux de donner une portée générale à son article, il nous explique longuement la place qu'occupe l'art français en Amérique, le rôle de Gide, mais quand il veut en venir aux Caves, le brusque changement de plan semble bien ficelle à Bypeed ! On verra." (Cahiers de la Petite Dame, tome 2, p. 330)

Publié en 1936, son André Gide a été relu et révisé par Gide lui-même et Maria van Rysselberghe, notamment pour tout ce qui touchait à "l'adhésion" de Gide au communisme. Nous sommes les 29 et 30 juin 1936 :

"29. - A 9 heures du matin, Gide vient me proposer d'écouter une lecture : Maurice Sachs a été chargé par l'éditeur Denoël d'écrire quelque chose sur Gide - cela devait n'être qu'une brochure, c'est devenu un livre. Il voudrait nous en lire le texte. Dans l'ensemble nous sommes très agréablement surpris : c'est très inégal, mais souvent bon. Il est souple (trop) et accepte toutes les remarques fort gentiment ; ce que je croyais n'être qu'une corvée a tout de suite cessé de l'être. Nous retrouvons enfin un peu de calme par cette attention forcée. Demain il viendra terminer cette lecture.
30. - Elle reprend donc ce matin, plus souvent interrompue. C'est la partie où il est question du communisme de Gide ; c'est délicat, il faut qu'il mette mieux au point ce qu'il veut dire." (Cahiers de la petite Dame, tome 2, pp. 540-541)

Ce site donne une bonne biographie de Maurice Sachs.

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