lundi 27 juillet 2009

... vu par Léautaud

"Je considère André Gide comme le premier écrivain de ces temps. Ma raison : l'influence qu'il a. Il n'y a pas à s'occuper si elle bonne ou mauvaise. Elle est, et elle est encore plus spirituelle que littéraire, ce qui double son importance.
Je ne fais pas ma lecture de ses livres. Ses héros me sont plutôt antipathiques. Ils ont des préoccupations morales dont tout m'est étranger. Aucune communion d'eux à moi. Ils me font même pitié et je les plains, mais je sais voir les mérites, l'intérêt, même de ce qui ne me plaît pas.
André Gide n'écrit pas les livres qu'un autre que lui pourrait écrire. C'est un point de vue que j'ai pour juger les oeuvres littéraires, si un autre que leur auteur aurait pu les écrire.
J'ai pour lui une sympathie accrue de toutes les basses et sottes injures que lui ont faites certains de ses anciens amis. Lui, du moins, on ne l'a jamais vu dans de basses combinaisons de distinctions littéraires.
Ce que j'écris ici n'apprendra rien à André Gide. Je le lui ai dit il y a longtemps."

(Paul Léautaud, Journal littéraire, tome VIII,
Mercure de France, 1960)

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