samedi 11 avril 2009

Gide et Rimbaud dans la Pléiade

André Gide était doublement à l'honneur de la Lettre numéro 35 du Cercle de la Pléiade (février-mars 2009). Outre la nouvelle édition des Romans et Récits de Gide, la Pléiade a fait paraître les Œuvres Complètes de Rimbaud. La Lettre rappelle à cette occasion l'essai que Gide a consacré au poète, paru en 1941 dans Poésie 41 (et repris dans Essais Critiques dans la collection Pléiade) :

"Rimbaud m’apparaissait comme un poète démoniaque, un poète "maudit" entre tous et se plaisant à l’être. L’alcool ardent, la "fameuse gorgée de poison" qu’il nous invite à boire et que je dégustais avec délices, plus capiteux, plus insurgeant qu’aucun vin, ne pouvait convenir, pensais-je, qu’à des forts. Dans quelle étrange damnation n’entraînerait-il pas tous les autres ? Il ne fallut pas moins que la haute autorité de Claudel pour me rassurer. Non point tant en raison du dicton : omnia munda mundis, tout est pur aux purs, que de la parole de l’Écriture : Et violenti rapiunt illud… encore que je ne sache point trop si je ne la dois appliquer ici à Claudel lui-même plus qu’à Rimbaud : "Et les violents s’en emparent…" Mais le catholique qui s’empare ainsi de Rimbaud, avec son individualisme exaspéré, son insoumission, ses révoltes, me rappelle fort le Spartiate dont, au collège, on nous racontait la prouesse : le renard volé qu’il presse contre lui-même sous sa robe, il doit en supporter les morsures. Celles de Rimbaud sont cruelles, et presque autant que ses baisers. […] Mais peu importe après tout ce qu’il plaît à tel ou tel de voir dans Rimbaud. Le propre d’un authentique génie poétique n’est-il pas de répondre à des questions très diverses, de prêter à maintes interprétations contradictoires, de favoriser à son sujet la mésentente, d’offrir plus qu’il ne semblait d’abord, de sorte que jamais, avec lui, l’on ne puisse s’en tenir là ? Il y a ce qu’il a voulu dire, ce que l’on croit qu’il a voulu dire ; mais le plus important sans doute reste ce qu’il a dit sans le vouloir et malgré lui."

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